J’essaie ces jours-ci de me concentrer à écrire mon mémoire mais je m’éparpille dans plein de projets. Certains, rêvés il y a longtemps et oubliés, qui s’imposent soudain à moi. D’autres, récents, que j’ai de la difficulté à refuser. Et puis il y a ce projet-ci, espace-lieu d’écriture destiné à Paul, à mes souvenirs de lui, aux manières qu’il a de continuer d’être présent, à la vie qui se poursuit.
L’urgence de chercher, de creuser, et de partager mes réflexion, constante dans les premiers mois du deuil, s’est apaisée. Elle va et vient et revient selon un rythme qui lui appartient. Elle se manifeste parfois dans des contextes étonnants.
En relisant des notes de lecture pour mon mémoire, un extrait m’accroche. Il est pertinent pour mon projet scolaire mais aussi, il me semble, pour ce projet intime d’explorer mon deuil, mes deuils.
Tout entretien est d’une richesse sans fond et d’une complexité infinie, dont il est strictement impensable de pouvoir rendre compte totalement. Quelle que soit la technique, l’analyse de contenu est une réduction et une interprétation du contenu et non une restitution de son intégralité ou de sa vérité cachée.
(Jean-Claude Kauffman, L’entretien compréhensif, 2016 : 19).
De la même manière, cette exploration-ci est infinie, et tenter de saisir pleinement cette infinité, d’en rendre compte dans toute sa complexité est impossible. Cette constatation qui pourrait être décourageante a plutôt un effet calmant. La possibilité d’explorer, de réfléchir, de partager sera là aussi longtemps que moi je serai là, aussi longtemps que chacun.e d’entre nous aura envie de chercher, de creuser.
Même en sachant que la vie est (parfois) trop courte, il est de ces projets auxquels on doit donner du temps, laisser l’urgence s’imposer, l’accueillir et la laisser repartir. Garder l’œil ouvert, le cœur à l’affut, le cahier de notes pas trop loin. Se donner le temps quand on en a besoin. Le prendre, aussi, quand il passe.
(note à moi-même : ça veut aussi dire que c’est correct de prendre une pause pour me concentrer sur autre chose par moments…)