marcassin / lentille

pour celles et ceux qui peuvent se sentir sensible à ce sujet : je parle de ma nouvelle grossesse dans les paragraphes qui suivent.

Le deuil n’est pas un processus linéaire. Je l’ai lu, je l’ai entendu, je l’ai répété. Pourtant la violence de ces moments où la peine me tire tout d’un coup vers le fond continue de me surprendre. Les éléments déclencheurs de ces jours de chute libre sont mystérieux. Ils forment un enchevêtrement difficile à démêler.

dates significatives
tensions au travail, dans la famille, dans la vie
images banales captées du coin de l’œil
impossible de trouver le début de la bobine de ce câble qui m’enserre et me charcute

L’année dernière, à ce moment-ci de l’année, tout mon esprit était tourné vers la grossesse. Après avoir attendu impatiemment le moment où j’aurais finalement « l’air enceinte », j’étais devenue, du jour au lendemain, visiblement très enceinte. À l’halloween, partagée entre ma prétention de rejeter les pratiques à la mode et l’envie de souligner publiquement l’aventure de la maternité, je m’étais déguisée en genre de squelette et j’avais peint sur un t-shirt un bébé squelette. À ce moment-là, l’idée m’avait semblé sympathique. J’avais même partagé une photo de mon ventre sur facebook.

Depuis des semaines, cette image me hante. Même si je sais que je m’étais questionnée à l’époque sur l’impact qu’elle pouvait avoir, l’idée même de ce costume me semble maintenant indécente et insensible. Je ne sais pas quoi en faire. Je regrette la photo. Je regrette le déguisement. Mais j’ai laissé la photo sur facebook, et j’ai gardé le déguisement dans ma garde-robe. Effacer les traces de ce moment me semble pire que de faire face à l’inconfort de la situation. J’espère de toute mes forces que cette image n’aura pas bouleversé quelqu’un-e comme elle me bouleverserait aujourd’hui.

Je n’ai jamais eu d’émotions particulières liées à l’halloween. Mais cette année, entre ces souvenirs de l’an dernier, mes espoirs déçus, le déluge de photos de bébés et d’enfants costumés que je n’ai su éviter, et ce premier du mois qui revient fidèlement me donner une claque sur la gueule, je me sens démolie par cette fête.

Vendredi, il manquait un bébé déguisé (Gretchen a donné une description puissante de ce sentiment d’absence sur son blogue), il manquait une photo de Paul avec un casque d’aviateur ou un déguisement de chat, il manquait une famille de trois dans des costumes douteux.

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Hier, j’ai essayé d’écrire. C’était la Toussaint, m’a rappelé ma grand-mère. Dia de los muertos pour d’autres. Un jour pour visiter ses morts, pour honorer leur vie, leur souvenir. C’était aussi un jour de passage dans ma tête. Neuf mois à vivre l’absence de Paul, le temps d’une gestation. Mais je n’ai accouché de rien. Ni d’une nouvelle paix intérieure, ni d’une illumination me permettant de comprendre. La colère, la douleur, les pourquoi s’accrochent à mon intérieur, refusent de me quitter, de me libérer. Ils m’habitent, cohabitent, quelque part entre mon utérus et mon cœur et ma gorge avec mon amour pour Paul. Je m’inquiète qu’ils occupent trop de place, qu’il s’approprient chaque centimètre carré de mon être et ne laissent pas assez d’espace à la croissance de bébé-lentille.

Mes drames intérieurs sont ponctués de nouvelles inquiétudes, d’une culpabilité neuve.
J’ai peur de nuire à ce nouveau bébé. Peur de ne pas lui accorder assez de mes pensées pour qu’il ou elle puisse pousser et s’épanouir. J’espère qu’au creux de mon ventre, ille sait que par chaque pleur, chaque conversation tourmentée, chaque mot griffonné, j’essaie de m’approcher de celle que je veux être pour l’accueillir. J’espère pouvoir porter en moi autant d’amour pour bébé-de-mai que j’en ai pour Paul.
Maintenant. Tout le temps.

4 réflexions au sujet de « marcassin / lentille »

  1. I agree that the source, the triggers, the compounding of factors, are terribly confusing. I really appreciate your description of a coiled cable. Of course, I don’t mind at all that you linked to my blog.

    One thing that I tried to remember when I found myself pregnant with C.T. (about 7-8 months after B.W. died), and fearful for C.T.’s life and wondering how my grief would affect him…, was that I was being honest with C.T. from the start. I would grieve as I needed to, and I felt that grieving was so much like loving that it couldn’t hurt. No matter how long C.T. was to live, I couldn’t bear having tried to live a mirage of contained / pent up grief. I told myself that this was ok to grieve while my body did the hard work of growing him – that it was honest and real. And, after C.T. arrived alive and healthy, he knew of his brother and our grief from his first day in our arms. Of course, no one outside of the bereaved community really wants to hear that, but I think it might have helped keep me somewhat sane during that tumultuous and grief-filled time. Hopefully this makes some sense…

    • Thank you so much for sharing your perspective, Gretchen. I intend to focus on your idea that « grieving is so much like loving that it can’t hurt ». And indeed, for me, grieving and loving are now so intertwined. My love for Paul is expressed in my grief, and allowing myself to grieve is the only way i can think of to be able to fully and deeply love his little brother or sister.

  2. I agree with Gretchen, your description of the coiled cable is strong and evocative…

    I can also really relate to the halloween misgivings. Last halloween, we too were full of pregnant hopes. I dressed up as a pumpkin plant, Z’s Dad, the wild farmer tending to his plants, little Z, the pumpkin within my round tummy. Wiith a pitchfork in hand, Z’s Dad threatened to feed the folks knocking on our door to our human eating plant. We considered putting baby limbs (a doll of course) on the sharp fork. A seemingly fun joke – that now seems so distasteful and surreal.
    We’d considered including a dead baby in our halloween antics. How strange to stand, a year later, as our son’s grave, our dead baby, on the same day, that last year he was a pumpkin… I think what I’m trying to say is that whilst it feels strange now, it was natural to be playful in pregnancy (so much easier done, before knowing the devastation of loss) it’s natural and fun, to have included little baby Paul in your disguise. Why wouldn’t you?

    And now, the day of the dead seems so much more pertinent. We lit a candle aside bright flowers, and left a little offering, we spoke Paul’s name aloud, along with names of others babies who’s mothers I have connected with.

    Grief comes in these horrible unpredictable waves, I cannot speak with any authority on a subsequent pregnancy, but I can say that I feel how much you love your babies, both of them. I believe that your grief is only as strong as it is, because of the strength and depth of your love for Paul.

    • Z’s mum – Thanks for sharing your complicated memories of Halloween. When i read your post about your feelings on halloween, i was amazed by how creative and beautiful your family / house concept was, last year. It seemed very far away from all the uncomfortable death-related themes that inspire many people (and baby stores!?). But perhaps it is very normal to think of integrating death in halloween celebrations… And i suppose i don’t necessarily think we shouldn’t, only that it is not enough to use death as a prop once a year.

      thank you for including Paul in your Day of the dead. I didn’t do anything saturday, i couldn’t bring myself to. But i am glad his name was spoken. xo

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