Il y a neuf ans presque exactement, nous quittions le CHUL sans Paul. Nous passions les portes coulissantes de l’hôpital pour mettre le pied dans cette vie sans lui dont nous ne voulions rien et que nous allions devoir apprivoiser.
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une nouvelle année
J’aime faire des bilans. Mettre par écrit ce que j’ai fait, ce que j’aurais souhaité faire, (m’)évaluer, établir des objectifs pour la suite. Je ne réalise pas toujours ces objectifs mais le processus me plait. Depuis des années, je trouve un peu de temps entre Noël et le jour de l’an pour revenir sur l’année qui se termine et réfléchir à celle qui s’amorce. Parfois, j’ai partagé ce rituel avec des amies, autour d’un feu de bois, ou encore dans cet espace, que j’occupe de moins en moins (ici ou ici, par exemple).
L’exercice me fait du bien, et pourtant, je n’ai pas su trouver le temps pour coucher mes idées sur papier avant de commencer cette nouvelle année. Depuis, j’ai l’impression d’être moins ancrée, de flotter sur le mois de janvier qui s’écoule à toute vitesse, et qui se confondra bientôt avec février et mars et avec le printemps et l’été.
Mais bien avant cela, le premier février arrivera et une nouvelle année sans Paul — la dixième — s’ouvrira.
Peut-être que c’est sur ce calendrier de deuil que je devrais marquer un moment de nouveau départ, l’illusion d’un point tournant dans le flot du temps. Je ne sais pas. Je sais que j’ai envie de m’accorder du temps avec Paul pendant ces quelques jours qui nous séparent de l’anniversaire de la fin de sa vie. Ce sera peut-être une forme de bilan, une orientation pour le futur. Ou des lettres à mon fils, comme celles que je lui écrivait il y a quelques années.
Une occasion de tracer une marque dans le courant.

huit ans
Paul, mon bébé,
Aujourd’hui, on a été à ton arbre, pour une septième année. Malgré le froid, la covid et les années qui passent, plusieurs personnes étaient là pour te saluer, pour décorer ton arbre. Les souvenirs déposés au fil des ans s’accumulent. Certains décolorés ou abimés, d’autres qui survivent au temps qui passe mieux qu’on aurait pu l’espérer. D’autres encore sont tombés, ensevelis sous la neige, ou disparus. On en a ajouté quelques uns. Une lettre confectionnée par ta cousine, un petit pendentif, des décorations préparées par ta grand-mère. Il y a tant de gens qui pensent à toi.
Lire la suiteimaginer
Il a fait froid aujourd’hui. Comme il y a huit ans quand nous avons pris le chemin de la maison de naissance, où j’espérais t’accueillir. Comme quand nous sommes sorti.es de l’hôpital, quelques jours plus tard, en famille. Il y a eu tant de journées froides, pendant ce mois de janvier il y a huit ans. J’écris « huit ans », mais je ne parviens pas réellement à mesurer la somme de ces années. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de tous ces jours, dont certains passent pourtant si lentement.
Lire la suitesous ton arbre
Le mois de Paul se termine. Malgré tout ce qui rend le temps long ces jours-ci, les semaines ont passé vite. Quatre semaines, c’est tellement court. Chaque année, j’en prends la mesure. Cette année peut-être encore plus que les précédentes. Deux amies ont accouché récemment et me font réaliser à nouveau comme le temps est dense lorsqu’on prend-soin d’un tout petit bébé. Même lorsqu’on ne fait pas grand chose, chaque heure est remplie, les petites tâches s’empilent, le sommeil se fait rare. Le temps passe différemment.
Lire la suiteun samedi
Il y a sept ans à cette date, on était un samedi. Il y a sept ans à cette heure, on était à l’hôpital.
Après une nuit à la maison à essayer de démarrer mon accouchement parce que j’avais perdu mes eaux, puis une journée et une nuit à essayer d’accoucher à la maison de naissance. Et des heures encore, à l’hôpital, à tenter de donner naissance à ce petit qui s’accrochait à moi. A qui je m’accrochais, peut-être, sans le vouloir. Je le voulais tellement, pourtant, ce bébé. Je voulais tellement qu’il naisse, qu’il soit enfin dans nos bras.
Lire la suitela rentrée
Promenade de soirée dans notre nouveau quartier. Malou est dans le porte-bébé, les paupières lourdes. On longe la vitrine d’un magasin qui s’annonce comme la « Zone de la rentrée ». Je sais qu’elle arrive, cette rentrée. Au mois de mai, déjà, Aimé nous a fait des compte-rendus enthousiastes des journées de préparation à la maternelle auxquelles ont assisté son cousin et un autre copain de son groupe de garderie. Il a déjà hâte que ce soit son tour. L’année prochaine. Quand il aura cinq ans.
Ce sera notre tour aussi. On achètera des crayons, on collera des étiquettes, on accompagnera notre petit pour sa première journée avec son sac à dos trop plein et sa boite à lunch. On prendra trop de photos pour documenter la journée. On vivra, j’imagine, les émotions qui accompagnent les grandes étapes qui commencent.
Cette année, nous ne préparons rien de particulier. Pas de crayons, ni d’étiquettes. Pas de lunchs ni de sac à dos. La rentrée approche mais Paul ne découvrira pas sa classe de maternelle après qu’on l’ait serré dans nos bras un peu trop fort.
Vas-y mon amour, va rejoindre tes ami.e.s!
Attends! Regarde moi! Une dernière photo!
Il n’y aura pas de photo de lui. Pas de souvenir de cette première rentrée.
Qu’un enfant en moins dans une classe du quartier. Qu’un moment imaginé.
Quelques coins de rue plus loin, Malou s’endort. Je rentre à la maison, perdue dans mes rêveries.
le temps qui court
Je suis assise dans un café à travailler quand Patrice m’envoie une photo de Malou. Bien appuyée sur ses mains, la tête relevée, les bras potelés au premier plan. J’arrive presque à sentir la douceur de ses joues, de son cou. La voir apparaître sur mon écran me remplit de bonheur et me serre le cœur. Par moments, je me demande pourquoi je suis déjà de retour au travail.
l’hiver
L’hiver s’est installé sans prévenir il y a quelques semaines. La lumière sourde de la neige qui s’accumule vaut certainement mieux que les journées gris foncé des novembres habituels, mais le changement de saison soudain et hâtif m’a troublée.
L’hiver c’est la saison des bébés emmitouflés, des inquiétudes, de la peur. L’hiver, c’est le stress que mon bébé ait trop chaud, qu’elle respire mal, que je ne l’entende pas, que quelque chose arrive. Encore.
son frère
** Je publie ce texte non sans avoir hésité et réfléchi à ce que ça implique de partager des bouts de la vie d’Aimé. Il est petit encore pour m’aider à prendre la décision de partager ou non ses pensées, mais je ne prends pas son droit à la vie privée moins au sérieux pour autant. Je publie en sachant que je fais peut-être une erreur que je devrai éventuellement corriger.
L’été dernier, quand Aimé avait deux ans et des poussières, je me demandais si nous devions nous inquiéter du développement de son langage. Patrice avait confiance que tout était normal, j’essayais de me convaincre que chaque enfant développe ses différentes aptitudes à son propre rythme. Je ne m’étais pas inquiétée quand Aimé avait fait différents apprentissages un peu plus tôt que prévu, je tentais donc de relativiser. Pourtant, j’avais de la difficulté à ne pas comparer Aimé à d’autres enfants, j’avais de la difficulté à ne pas m’inquiéter.