matin d’Islande

J’ai eu le bonheur de faire un voyage en Islande au début octobre. Neuf jours avec quatre amies de longue date pour un petit périple à bord d’un petit campeur dans ce pays qu’aucune d’entre nous ne connaissait. La coupure avec le quotidien, les moments de calme, les fous-rires et les longues discussions m’ont fait autant de bien que la beauté des paysages islandais et la joie de découvrir des espaces inconnus (pour moi).

Je suis partie un peu tendue pour différentes raisons — professionnelles, surtout — mais j’ai réussi à résoudre une part des dilemmes qui m’habitaient au cours des premiers jours du voyage et j’ai senti que je retrouvais l’espace mental qui me manque trop souvent au quotidien. De l’espace pour Paul, notamment.

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la musique

Aimé s’est mis à chanter.
Ce n’est pas encore limpide, mais depuis une semaine ou deux, on distingue Au clair de la lune, qu’il a appris à la garderie.

L’entendre chanter, ça évoque des souvenirs de mes parents.

Des souvenirs de ma mère, qui fredonnait beaucoup, qui m’a laissé en héritage plein de bribes de chansons, et quelques autres dont toutes les paroles sont gravées en moi. Lire la suite

parent(hèse)s

IMG_3779Le mois de janvier s’est terminé. Comme une parenthèse qui se referme. 31 jours avec toujours quelque part derrière la tête, ces journées partagées avec Paul il y a deux ans.

Celles avant même sa naissance, alors qu’il était tellement près mais pas tout à fait prêt. Ces heures longues et courtes à la fois, où sa présence dans mon ventre, dans mon corps, était objectivement la même que pendant les semaines précédentes, mais subjectivement complètement différente : nous étions sur le point de le rencontrer.

Celles après sa naissance surtout. Ces heures passées en suspension dans le temps, alors que les nuits et les jours trop courts de janvier s’entremêlaient, indistincts. Ces moments passés à découvrir Paul, à le nourrir, à le bercer. Moments d’apprivoisement, d’incrédulité, de bonheur.

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bébé-lumière

En fin de matinée, Aimé est bien éveillé. Il fixe, pour la première fois il me semble, les branches d’arbre installées près du fauteuil dans lequel je l’allaite le plus souvent. Une lampe les éclaire, c’est probablement la lumière qui attire son regard. Mais il fixe et il fixe, pendant plusieurs minutes, la tête tournée fermement dans leur direction.

Je me rappelle le jour où j’ai marché dans la neige avec ma cousine à la recherche de ces branches. Nous avons exploré les bois derrière chez ma tante, à la recherche des branches qui donneraient vie à l’idée que nous avions. Après trois-quart d’heure peut-être, nous les avons repérées. Elles étaient déjà au sol, bien fournies, et arborant de nombreux bourgeons. Nous les avons traînées jusqu’à la voiture, puis enserrées dans avec de la corde pour les fixer au toit de l’auto.

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le chemin parcouru

Je me revois, aux tous premiers instants où je me suis aperçue que Paul n’allait pas bien du tout. En un instant, ma vie des semaines qui venaient de s’écouler – notre vie de nouveaux parents que j’avais tellement attendue, épisode banal et merveilleux de 25 jours – prenait fin. Abruptement, mon existence a pris un virage inattendu, violent. Je me revois à l’hôpital, découvrant au compte-goutte les détails qui s’additionnaient pour tracer le portait défiguré de notre nouvelle vie de parent, une vie de parents veillant sur un bébé qui ne sortirait pas des soins intensifs, une vie de parents endeuillés, une vie de parents sans couche, sans pleurs, sans bain, sans bisous, sans odeur intoxicante de nouveau-né.

La douleur était alors tellement intense. Je me souviens de la première nuit hors de l’hôpital, après le décès de Paul. Je me revois essayer de dormir. Exténuée mais maintenue dans un état d’éveil malsain par l’impression que toute cette peine allait me tuer. J’avais mal physiquement. Au-delà de mes seins qui ne demandaient qu’à nourrir mon enfant déjà plus là, la peine me déchirait les entrailles. Je pensais mourir de cette douleur, de cette peine, de cette culpabilité. Lire la suite