J’ai passé tellement de temps dans les dernières années à trier les artefacts, matériels et immatériels, de la vie de mes parents. Du temps à classer les papiers et les photos, du temps à tenter d’organiser mes souvenirs, mes émotions en désordre. J’ai parfois l’impression que ce sera le travail de toute ma vie.
Il y a quelque chose de répétitif dans le fait d’ouvrir des boîtes dont le contenu a déjà été trié à un moment ou un autre. Le bruit du tape qui décolle, la couche supérieure du carton qui vient avec, en lambeaux, l’odeur un peu poussiéreuse, parfois accompagnée d’autres effluves — boules à mites, vieux papier, sachets de lavande vieillis. J’ouvre la boîte identifiée à plusieurs reprises, de la main d’une tante, ou de la mienne, portant parfois le souvenir d’un lointain déménagement — la mention « salle de bain » barrée au marqueur. Elle a servi et resservi. Je vide son contenu. Je trie. J’élague. Je garde encore beaucoup. Je re-range. Je re-trie. Je ré-identifie. Je barre une nouvelle fois les informations qui ne sont plus d’actualité. Je re-tape pour refermer le tout, avec le vague espoir qu’un jour j’aurai trouvé une place pour chaque chose, un album pour chaque photo. Un jour. Pour l’instant, je compte comme une bonne journée, celle où je vois le contenu de ce que je garde diminuer, même subtilement. J’écrase le carton dans le bac de recyclage avec la satisfaction du travail accompli.