les bruits, les oublis

english below…

En lisant le texte d’une maman sur le silence de son bébé qui n’est plus, je me rends compte que je ne m’aperçois plus du silence. Pire, je ne me souviens plus des sons de Paul.

Pendant ses quatre semaines avec nous, il a passé beaucoup de temps à dormir et à téter. Il a pleuré aussi, certainement, mais mes souvenirs auditifs sont pour ainsi dire absents.

J’ai oublié les pleurs de Paul à la naissance parce que je naviguais entre conscience et demi-sommeil drogué.
J’ai oublié ses pleurs au creux de la nuit, peut-être par souci de me souvenir plutôt de ce silence partagé. Paul dans mes bras, s’abreuvant de moi.
J ‘ai oublié les petits bruits de Paul, quand tout allait bien. Faisait-il des bruits? J’ai beau racler le fond de ma mémoire, je n’arrive pas à déterrer un seul son. Lire la suite

quelques problèmes de la dichotomie aidée/aidante

Une petite note avant de commencer : ça fait quelques jours que j’ai envie d’écrire un peu sur l’organisation des groupes de soutien aux personnes endeuillées suite à ma très courte expérience avec deux groupes dont j’apprécie le travail. Mon point de vue est probablement très limité mais je me lance tout de même… J’imagine que ça sert aussi à ça un blogue.

 

Je travaille dans un milieu où on parle beaucoup de « passer du je au nous ». Quand j’échange avec les personnes qui viennent demander du soutien ou des ressources au groupe pour lequel je travaille, j’essaie de trouver une petite ouverture pour aborder la façon dont leurs problèmes s’inscrivent dans un cadre plus large. Dans certains cas, c’est clair pour les gens qu’il y a des causes structurelles qui sous-tendent ce qu’ils vivent. D’autres fois, ce n’est pas si simple. Dans ces cas-là, j’essaie, quand c’est possible et opportun, de planter une petite graine de cette réflexion qui me semble incontournable : les problèmes vécus par les individus s’inscrivent dans un contexte socio-culturel donné, et les « vraies » solutions à ces problèmes impliquent une remise en question de structures sociales problématiques.

Cette façon de voir les choses me guide en dehors du travail. C’est moins une déformation professionnelle qu’une raison pour laquelle je fais et j’aime ce travail. Ceci dit, je reconnais les aspects problématiques de ce type de poste, de cette professionnalisation de certains rôles dans les luttes pour plus de justice sociale. L’un d’eux est la hiérarchie qui s’installe souvent entre intervenant-e-s et participant-e-s (ou militant-e-s). Cette asymétrie s’articule parfois autour de l’argent (salariat pour l’un-e, bénévolat pour l’autre), de la reconnaissance sociale (profession pour l’un-e, demande de services pour l’autre). Parfois aussi, l’asymétrie découle de la définition même de la relation d’aide. D’un côté, l’aidant-e, de l’autre, l’aidé-e.
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calendrier personnel

Mon amie a partagé hier un texte magnifique et triste, The Unmothered, par Ruth Margalit. Plein d’éléments de ce texte résonnent en moi, à commencer par le fait qu’il aura été une bouée au cours de cette journée de fête des mères, qui n’avait de fête que le nom. J’ai cherché toute la journée l’écho du deuil et de la perte. Je ne l’ai pas vraiment trouvé à la marche de sensibilisation au deuil périnatal où je me suis sentie complètement déconnectée, hors de mon élément malgré la solidarité que je peux éprouver pour les autres familles endeuillées. Puis en fin de journée, ce texte. Comme une confirmation que je ne suis pas seule, pas complètement, sur cette île isolée qu’est le deuil.
“CALL MOM” said a sign the other day, and something inside me clenched. In my inbox, at work, an email waited from the New York Times: a limited offer to “treat Mom” to a free gift. It’s nothing, I tell myself. A day for advertisers. So I shrug off the sales and the offers, the cards and the flowers. I press delete. Still, I now mark Mother’s Day on my private calendar of grief. Anyone who has experienced a loss must have one of those.

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3 semaines…

C’est quoi, trois semaines? On peut séparer une vie d’adulte en tellement de tranches de trois semaines. Certaines plus mémorables — un voyage, le début d’un nouvel emploi… La plupart sont quelconques. Elles passent sans qu’on les remarque, rythmées par la routine.

Entre notre sortie de l’hôpital à la naissance de Paul et le jour où nous y sommes retournés, en urgence, il s’est écoulé exactement trois semaines.

3 semaines si courtes et si longues à la fois.
3 semaines de bonheur.
3 semaines à s’abreuver de tous les instants, à admirer notre bébé, à le sentir, à le serrer.

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à tort ou à raison

Pendant que j’étais enceinte, au milieu de lectures sur l’accouchement idéal, le maternage, l’allaitement et les pressions contradictoires subies par les “femmes modernes”, je m’étais promis de tenter autant que possible de ne pas constamment me sentir coupable. J’étais déjà consciente de ma tendance à culpabiliser sur tout à tort ou à raison. Je me répétais que c’était certain que nous ferions des erreurs comme parents, que nous aurions des moments de doutes sur la meilleure approche à adopter avec notre bébé.

Les choses étant ce qu’elles sont, évidemment, j’ai toute la misère du monde à ne pas me laisser emporter par un sentiment de culpabilité étourdissant, à ne pas me laisser bouffer de l’intérieur.
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le grand vide

J’ai le cœur brisé et la gorge en boule. Je m’ennuie des super pouvoirs dont j’ai profité quelques brèves semaines. Je m’ennuie de me réveiller dès les premiers sons de Paul, de l’allaiter dans la nuit, fatiguée mais tellement heureuse. Je m’ennuie de pouvoir lui offrir tout ce dont il avait besoin, en lui offrant simplement le sein. Ces jours-ci, quand j’entends un bébé pleurer, je me sens complètement chamboulée. Je ne peux plus répondre aux besoins de mon bébé, et me sentir heureuse d’avoir pu l’apaiser. Je reste là, impuissante, à sentir les larmes monter et s’échapper de moi contre mon gré…

La vie pue parfois. Elle nous arrache des bouts du cœur, elle nous déchire l’intérieur. Depuis plus de deux mois, je vis les semaines les plus difficiles de ma vie.
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