C’est peut-être l’automne, la lumière qui commence à se faire plus rare. C’est peut-être le changement de rythme que m’impose mon changement d’occupation, et le temps qui se fait plus rare pour me tourner vers l’intérieur. C’est peut-être le temps qui passe, le deuxième anniversaire de Paul qui se profile à l’horizon pas si lointain. C’est peut-être cette rencontre à laquelle je vais participer demain, un rassemblement de ma famille Leclerc. C’est peut-être un peu tout ça qui me plonge dans une mélancolie étrange.

Les semaines estivales de contemplation et la rentrée qui m’a tenue trop occupée ont cédé le pas à cette saison entre-deux, cette saison qui s’explique mal, porteuse de larmes douces, pleines de fatigue et d’amour et d’ennui. Des larmes un peu pour tout, au pourquoi pas trop clair.
Je pleure pour Paul. Je pleure des pleurs confus parce qu’il n’est pas là, parce que nous découvrons avec Aimé ce que nous aurions dû découvrir avec lui. Je pleure de ne pas déjà connaître le secret pour habiller un bébé à cette saison, sans qu’il n’ait trop chaud ou trop froid.
Je pleure peut-être un peu aussi parce que ma mère n’est pas là pour me raconter l’histoire de cet habit que mon frère et moi avons porté et que j’ai mis à Aimé aujourd’hui. Et parce qu’elle ne sera pas là avec nous dans quelques semaines, quand Aimé va rencontrer sa mère à elle.
Je pleure peut-être un peu aussi parce que demain, à cette rencontre de sa famille élargie, mon père ne sera pas là. Il n’aura même pas pu refuser cette invitation qui ne l’aurait peut-être pas enthousiasmé. C’est peut-être pour ça, parce qu’il ne sera pas là, parce qu’il n’est pas là, que je me suis égarée dans une suite de recherches virtuelles pour trouver des articles qu’il a écrit. Je ne ne lirai probablement pas ces textes — Organisation spatiale d’un assemblage d’araignées et stratégies d’exploitation des ressources : approche expérimentale et modélisation; Écologie des populations d’ombles de fontaine et d’ouananiche de la rivière M6o — mais j’aime savoir qu’ils sont enregistrés dans mon ordinateur. Ses mots, son nom, me servent de point de repère dans ces instants de tristesse mal expliquée… Ils m’aident à la catégoriser, peut-être. Des larmes pour cet article, publié un mois avant sa mort, où il est identifié comme « Author for correspondence », d’autres, pas tout à fait les mêmes, parce qu’il n’est pas là pour voir son petit-fils grandir, parce qu’il ne pourra pas l’amener cueillir des champignons, ou observer les oiseaux.
Je ne sais pas trop pourquoi je pleure ces jours-ci.
Mais ça suffit peut-être de laisser les larmes couler.
comme les ouananiche dans la rivière M6o…