Paul m’a appris. Il m’a transformée. Ce n’est pas comme ça que les choses devaient se passer. J’aurais dû le guider, l’accompagner dans ses premiers pas, lui apprendre à faire du vélo. Au lieu de cela, c’est lui qui m’apprend. Son passage dans ma vie a gravé des sillons douloureux au plus profond de moi. Sa mort continue de me faire mal, de mettre à vif mes vulnérabilités. Son absence, senseless, sans sens, remet en questions mes certitudes. Elle exacerbe mes angoisses. Elle me fait douter. De moi. De la vie. De ce qui nous attend. Pourtant, au milieu du chaos et de ces questionnements qui me font perdre pied, je sens aussi autre chose.

J’ai aimé Paul. Dès le début, furieusement. Et à la fin, qui est venue si vite, je l’ai aimé avec impatience. J’ai essayé de tout lui donner d’un coup, de me vider de tout l’amour que je lui réservais, en sachant qu’il ne serait plus là le lendemain pour le recevoir.
Je lui ai dit que je l’aimerais toujours.
jusqu’à la fin de ma vie.

Après sa mort, j’ai cru que je ne pourrais plus jamais aimer autant. J’ai cru que je ne saurais plus m’attacher. J’ai cru avoir été entièrement brisée. J’avais tort. Aimer Paul au présent, malgré son absence, me semble parfois un objectif irrémédiablement hors d’atteinte. Je me butte à l’absence toujours renouvelée, toujours d’actualité. J’aimerais tant que les choses soit différentes. Que mes deux fils puissent se tenir la main. Concrètement, pas dans une figure de style forcément insatisfaisante. Mais chaque jour je sens aussi la présence de Paul dans la relation que j’ai avec son frère. Aussi cliché que cela puisse paraître, je crois que je dois à Paul la relation que je tisse quotidiennement avec Aimé. le cadeau du grand-frère au petit
tout cet amour qui doit atterrir quelque part
qui fait son nid dans le cou d’Aimé