Aujourd’hui, je me suis retrouvée, je pense, dans une situation étrange. Une sorte de renversement de rôles auquel je ne m’attendais pas. Je dis « je pense » parce que je ne suis même tout à fait certaine d’avoir bien saisi la situation en question. Mais je crois que sans le vouloir, j’ai fait subir à une maman ce que je voulais éviter à tout prix il y a quelques mois.
Après être allée aller manger avec une collègue, de passage à mon travail pour répondre à quelques questions de la personne qui me remplace, je me suis retrouvée au milieu d’une de ces conversations typiques de fin de grossesse. Il faut dire que je me sens à l’aise d’aborder ces questions avec mes collègues, qui ont été extrêmement présent-e-s et à l’écoute suite à la mort de Paul, à mon retour au travail l’an dernier, puis à l’annonce de cette nouvelle grossesse. J’ai répondu à leurs questions sur la position du bébé, j’ai partagé mes impressions par rapport à mon congé, et à l’attente de l’arrivée de bébé-de-mai.
La conversation était légère. Je ne sentais pas le besoin d’exprimer mes inquiétudes face au futur, justement parce que je n’avais pas à les cacher. Savoir que j’aurais pu en parler avec ces personnes, savoir qu’elles m’auraient écoutée me suffisait. Alors je m’en suis tenue à des aspects plus banals de mon quotidien. De l’extérieur, j’imagine, j’avais l’air d’aborder ces derniers jours de grossesse avec la même confiance qui m’habitait juste avant la naissance de Paul. J’avais l’air de vivre dans l’ignorance de tout ce qui peut mal tourner, dans la naïveté qui précède le drame. J’avais l’air d’avoir rejoint le monde des vivant-e-s, du normal, du simple.
Lire la suite →