J’ai passé la journée à combattre des nausées que je n’ai pas connues en attendant Paul. J’essaie de relativiser cet inconfort en me répétant que « si tout va bien… » ce n’est qu’une étape à passer, qu’un signe de la petite lentille. La promesse que peut-être, au mois de mai, nous aurons la chance d’accueillir un bébé.
Mais penser à un bébé, c’est encore, pour moi, penser à Paul. Ces heures passées étendue dans le lit à combattre les maux de coeur font remonter en moi des images de lui, son visage, la sensation enivrante de sentir sa peau si douce du bout de mes doigts ou de coller ma joue contre la sienne.
Autour de moi, plusieurs mamans participent à un projet photo « Capture your grief ». Chaque jour, un thème, une invitation à prendre un temps pour se souvenir, pour partager des petits bouts de deuil. J’avais lu au sujet de ce projet il y a quelques semaines, je m’étais demandée si je participerais. Hier encore, alors que je découvrais les images partagées par des mamans un peu partout dans le monde, j’hésitais. Je ne sais pas trop si je prendrai part chaque jour, mais j’ai envie de partager ce qui m’est venu pour répondre à ces deux premiers thèmes.
day 1 – sunrise / jour 1 – lever du soleil
une image du lever de soleil sur Bogota, à la fin du voyage que nous avons fait cet hiver
que j’ai tenu à faire pour essayer de me sauver du froid, de tous ces lieux familiers qui me rappelaient trop Paul.
Ce matin-là, début avril, le soleil s’est levé sur la ville et sur notre avant-dernière journée loin du Québec. Je n’étais pas prête à rentrer, pas prête à rester non plus…
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day 2 – heart / jour 2 – coeur
le coeur, le coeur de Paul
son coeur qui lui a fait défaut
son coeur qui a cicatrisé mais qui ne l’a pas sauvé
nos coeurs brisés de devoir dire aurevoir
un instant capturé malgré moi, de nos dernières heures avec Paul
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Revisiter mes souvenirs de ces moments dans la chambre vitrée des soins intensifs me chamboule. Je me rappelle de la douleur physique de ne pas pouvoir simplement prendre mon bébé contre moi. Je me rappelle le dernier soir, alors que nous étions déjà face au choix déchirant de laisser Paul terminer sa vie, mais avant d’avoir tout à fait pris notre décision.
J’étais près de Paul avec mon amie. On pleurait, il me semble. Moi certainement, mais elle aussi je crois. Je me sentais me défaire en miettes desséchées et désespérées tellement je voulais soulever Paul, le coller sur moi. J. m’a questionné doucement « As-tu demandé si tu pouvais le prendre? ». Je n’avais rien demandé, craignant trop la réponse. Elle a posé la question pour moi. L’infirmière, probablement celle que j’ai préféré de tout notre séjour m’a dit que je ne pouvais pas le sortir de son lit mais que le personnel pourrait l’installer sur un lit d’adulte pour que nous puissions nous coucher près de lui.
P. et moi, nous sommes sortis dehors dans le froid en attendant pendant le transfert de lit. Nous somme sortis pour la première fois depuis deux jours et demi. Nous avons marché pour discuter, pour décider. Puis nous sommes rentrés en sachant que nous allions passer notre dernière nuit avec Paul. Nous l’avons rejoint dans le lit d’hôpital beaucoup trop grand pour un si petit être.
Tous les trois.
Une dernière nuit.
The cruelty of the interactions taken away in the days leading up to Zachary’s death – his paralyzation, the ventilator, his fragile state. Not being able to cuddle and (effortlessly) lay with your Paul. These memories, my own and from mothers like you, splits me wide open every time I think about them.
It hurts me to know that you know, but it is also comforting in a strange way. I get so frustrated sometimes, not being able to put words onto the pain of these memories, of the loss that seems so fresh for me but probably old and foreign for many around us…
I am sorry you too are struggling with these memories.
Oufff quelle expérience… Et ce n’est qu’un aperçu, un bref moment… C’est si déchirant