Je me rends tout juste compte de la perméabilité de l’espace social que j’occupe, que chacune d’entre nous occupe, entre maman endeuillée, future maman, maman-tout-court. Pendant plusieurs mois, je me suis sentie si profondément ancrée dans l’expérience intense du deuil que j’ai intégré cet aspect de mon vécu à mon identité. Par moments, cette facette de moi a pratiquement occulté toutes les autres, figeant ma perception de moi-même, créant cet auto-portrait endeuillé que j’ai l’impression d’avoir porté avec moi comme une carte de visite, comme un masque.
Ce n’est que tout récemment que j’ai commencé à envisager que l’image que je projette n’est pas/plus uniquement celle du deuil et de la perte de Paul. Sa mort et l’impact profond de cet événement sur le cours de ma vie n’est pas inscrit en toutes lettres sur mon front. J’ai gardé quelques cheveux blancs et les marques indélébiles de ma grossesse. J’ai tracé son passage dans ma vie à l’encre sous ma peau. Mais rien n’indique de manière évidente au monde l’intensité avec laquelle Paul m’habite.
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