il y a deux ans

Matin typique, avec peut-être une once de fatigue de plus que d’habitude.
« Let’s go Aimé, laisse-moi mettre ta couche »
« Allez, ça te prend des pantalons pour aller à la garderie »
« Mange un peu, mon amour »
« Non, tu peux pas mettre tes bottes avant ton habit de neige »

Midi moins typique avec P.. En parlant de notre voyage à la Nouvelle-Orléans il y a deux ans, on se rend compte qu’on se souvient mal de ce qu’on y a fait, à part visiter des ami.e.s à moi…

Relire mes mots d’il y a deux ans me rappelle pourquoi ma mémoire est si embourbée.

Lire la suite

jour 25

Le jour 25. On s’est levés un matin normal. On a eu de la visite, on a continué de dire à qui nous le demandait que ça allait bien, que Paul allait bien, et qu’on dormait, relativement, bien. Ça allait tellement bien, en fait, que P. est allé faire quelques heures de travail en se disant qu’il pourrait les reprendre plus tard. On croyait, évidemment, qu’on aurait le temps, plus tard, pour profiter de Paul et passer des journées hivernales en famille.

Je suis partie à pied. Je me sentais en forme, j’étais motivée à sortir avec Paul malgré le froid intense de cette fin janvier. Tout était tellement normal. Jusqu’à ce que ce ne le soit plus.

Lire la suite

maman

Je tisse mes fils à partir de rien, j’assemble, j’interprète, je borde ce rien avec la volonté sauvage de sauver le passé. Ce récit est une toile pleine de trous dans laquelle j’essaie de capturer ma mère, je voudrais qu’elle n’ait plus de secrets pour nous. Elle me résiste pourtant, comme pour dire, N’essaie pas de m’immobiliser, tu n’y arriveras pas. Et je vois se dessiner, noir sur blanc, les contours de mon échec. Je sais que je suis empêtrée dans ma propre fiction. Ma mère est devenue un personnage de roman, et mon grand-père, ma grand-mère, ma tante. Me voilà devant une réalité de plus en plus vacillante. »

— Louise Dupré, L’Album multicolore, p.59

Louise Dupré a eu plus de soixante ans pour connaître sa mère et malgré cela, elle peine à réunir les souvenirs et les faits qui lui permettraient de rendre compte de la vie de cette femme, de leur relation qui s’est étendue sur des décennies. C’est peut-être peine perdue. Peut-être ne connaît-on jamais vraiment ses parents?

J’ai certainement l’impression de n’avoir pas connu ma mère. Pas suffisamment. Pas assez longtemps, pas assez profond, pas assez vrai. Ça ne sert peut-être pas à grand-chose de m’y attarder, mais si je pouvais revenir en arrière, ou donner un conseil à la fille de douze ans que j’ai été, je voudrais poser mille questions à ma mère. Je sais que c’est vain. La fille de douze ans que j’étais était dépassée par les événements, incapable de vivre pleinement les émotions multiples et contradictoires qui l’habitaient. Lire la suite

trop de temps

Je ne suis pas seule. Ça semble généralisé parmi les mamans « désenfantées. »

Noter les dates, essayer de rendre compte de leur importance, de leur signification. Autour de moi, dans cette communauté virtuelle qui m’entoure, chaque jour importe. Chaque jour est un anniversaire, si petit ou si grand soit-il.

Je ne suis pas seule à être surprise de l’effet que ces dates me font, de l’emprise qu’elles peuvent avoir sur ma journée. Je suis surprise aussi quand une journée possiblement difficile se passe à peu près bien. Lire la suite

calendrier personnel

Mon amie a partagé hier un texte magnifique et triste, The Unmothered, par Ruth Margalit. Plein d’éléments de ce texte résonnent en moi, à commencer par le fait qu’il aura été une bouée au cours de cette journée de fête des mères, qui n’avait de fête que le nom. J’ai cherché toute la journée l’écho du deuil et de la perte. Je ne l’ai pas vraiment trouvé à la marche de sensibilisation au deuil périnatal où je me suis sentie complètement déconnectée, hors de mon élément malgré la solidarité que je peux éprouver pour les autres familles endeuillées. Puis en fin de journée, ce texte. Comme une confirmation que je ne suis pas seule, pas complètement, sur cette île isolée qu’est le deuil.
“CALL MOM” said a sign the other day, and something inside me clenched. In my inbox, at work, an email waited from the New York Times: a limited offer to “treat Mom” to a free gift. It’s nothing, I tell myself. A day for advertisers. So I shrug off the sales and the offers, the cards and the flowers. I press delete. Still, I now mark Mother’s Day on my private calendar of grief. Anyone who has experienced a loss must have one of those.

Lire la suite

premier mai

30 avril

Demain, ça fera trois mois.

Malaise, malheur, coincé en travers de la gorge.
Déchirure qui m’arrache l’intérieur

Mon cœur qui se débat. Mon corps qui se rebelle, qui retient chacune des traces de la dernière année. Qui veut tout garder pour lui. Lourdeur, douleur, fragilité.
Sensation de m’éparpiller. De me vider. De me dissoudre de douleur.

Fatigue et lassitude insurmontables.
Jalousie, envie qui s’imposent contre mon gré et que j’essaie de camoufler.
Les ventres qui s’arrondissent autour de moi et qui évoquent si cruellement le vide qui m’habite.
Les bébés qui poussent, rappels de l’absence toujours plus immense.
La solitude. Même au milieu du monde
Lire la suite

1953-2005-2014-2014

Mettre des mots sur la peine et sur la douleur qui m’habitent me semble une mission presque impossible. Par moments, quand je suis entourée de mes amies, de mon amoureux, des gens avec qui je suis le plus à l’aise, je réussis à me sentir à peu près bien. Pas le genre de bien-être qu’on atteint quand, le temps d’un instant particulier, on se dit qu’on est en train de vivre un moment mémorable, exceptionnel. Plutôt, j’arrive à atteindre la joie tranquille qui me vient assez naturellement quand je ne réfléchis pas trop. Elle est entrecoupée de pointes de tristesse mais je réussis à passer des bons moments en bonne compagnie.

Dans d’autres contextes, par contre, je me retrouve tout aussi facilement étourdie par l’immensité du vide devant moi, en moi. Je prends conscience de la profonde anormalité de la situation dans laquelle je suis plongée.
Lire la suite