Mon amie a partagé hier un texte magnifique et triste, The Unmothered, par Ruth Margalit. Plein d’éléments de ce texte résonnent en moi, à commencer par le fait qu’il aura été une bouée au cours de cette journée de fête des mères, qui n’avait de fête que le nom. J’ai cherché toute la journée l’écho du deuil et de la perte. Je ne l’ai pas vraiment trouvé à la marche de sensibilisation au deuil périnatal où je me suis sentie complètement déconnectée, hors de mon élément malgré la solidarité que je peux éprouver pour les autres familles endeuillées. Puis en fin de journée, ce texte. Comme une confirmation que je ne suis pas seule, pas complètement, sur cette île isolée qu’est le deuil.
“CALL MOM” said a sign the other day, and something inside me clenched. In my inbox, at work, an email waited from the New York Times: a limited offer to “treat Mom” to a free gift. It’s nothing, I tell myself. A day for advertisers. So I shrug off the sales and the offers, the cards and the flowers. I press delete. Still, I now mark Mother’s Day on my private calendar of grief. Anyone who has experienced a loss must have one of those.
« my private calendar of grief ». Un calendrier personnel de deuil. En lisant cette phrase, je me reconnais. Je remarque qu’en l’espace de quelques semaines, j’ai traversé plusieurs dates qui figurent à mon propre calendrier de deuil. Le calendrier pour mes parents comprend quelques dates dans l’année, auxquelles s’ajoutent des journées flottantes, moments qui s’imposent à moi, parfois à des moments surprenants quand le besoin se fait sentir.Le besoin s’est fait sentir plus souvent qu’à son tour ces derniers temps, alors que je chemine péniblement au cours des jours du calendrier de Paul. Un calendrier sur lequel je dépose chaque jour un petit caillou, un coquillage ou une miette de pain. Je me réveille difficilement mais pas parce que mon bébé m’a réveillé plusieurs fois au cours de la nuit. La nuit a été calme et lourde. Sans Paul. Les journées passent, sans être rythmées par les besoins d’un autre être que moi. Plus besoin de me rendre disponible pour le nourrir. Je n’ai que moi-même.Les semaines se succèdent, s’éloignant ou se rapprochant sans cesse des dates les plus douloureuses, comme des marées, comme les phases de la lune. Le 4, doux et amer à la fois. Le premier, me replongeant dans les émotions extrêmes de la perte. Au passage, les journée de mon calendrier de longue date qui étaient devenues calmes et appréciées sont dédoublées, complexifiées.
Malgré cela, les jours passent. Les heures s’égrainent, certaines plus difficiles que d’autres.
Je fonctionne. Même si je sens parfois des regards inquisiteurs se poser sur moi.
Il n’y a apparemment pas de façon idéale de vivre le deuil:
“I don’t know how you manage,” an old friend told me. “If it had been my mother, I wouldn’t be able to get out of bed in the morning.” She thought she was paying me a compliment, not realizing that that’s about the worst thing you can say to someone in mourning—as though by merely starting my days I was betraying my mother.
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C’est bien vrai, que c’est la pire chose à dire à quelqu’un en deuil… Mais la plupart des gens qui la disent pensent probablement plutôt au courage de la personne qui vit le deuil. C’est probablement davantage une phrase d’admiration, qu’une phrase de culpabilisation… Mais maintenant que j’ai lu quelques billets de votre blogue, je crois que je comprends un peu mieux le sentiment de trahison qui vient avec le fait d’avoir des moments moins pénibles en plein processus de deuil… Ça doit être assez déchirant! Quelle histoire… J’espère que je n’écris pas trop de stupidités ou que je ne suis pas déplacée; j’avoue que je ne sais pas trop quoi écrire qui pourrait vous aider! Et je ne veux surtout pas vous nuire… Mais je tiens à vous remercier d’écrire ce blogue, et en plus de l’écrire de si belle façon… C’est important d’en parler! (En autant que ça vous fasse du bien, bien sûr! Si ça vous pèse, ce n’est évidemment pas obligatoire de continuer!) Je sais que ce n’est pas grand-chose, mais je tiens à vous envoyer un énorme câlin virtuel…
C’est clair que ce n’est pas évident de savoir quoi dire et quoi pas dire. Je ne prétends pas avoir la bonne formule à proposer. Deux personnes qui vivent la même perte ne vivront pas le même deuil et ne réagiront pas de la même façon à un commentaire donné. Et parfois, deux personnes me disent sensiblement la même chose et je le reçois complètement différemment. C’est pas évident pour les autres non plus, j’imagine…
Merci beaucoup pour tes commentaires.
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