aujourd’hui

Ces derniers jours, les sentiments qui m’habitent par rapport à la maternité sont compliqués. Je me sens épuisée par la demande constante d’avoir deux enfants à la maison en tout temps en essayant en parallèle de continuer à travailler.

J’ai de la chance: je faisais déjà la majeure partie de mon travail à distance. Les chercheuses qui m’embauchent sont compréhensives et ne me mettent pas de pression même quand je n’arrive pas à accomplir les tâches prévues. J’ai de la chance: nous avons une maison spacieuse et une cour où les enfants peuvent jouer. Je me répète constamment que j’ai de la chance et pourtant, ça ne m’aide pas à me sentir mieux, à me sentir à ma place. Au contraire, je juge mes émotions négatives en me disant qu’objectivement, je ne devrais pas trouver ça aussi difficile.

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vivre la mort en confinement

En ces jours de pandémie et de confinement, les conversations téléphoniques et les rencontres impromptues au coin de la rue impliquent systématiquement des « comment ça va? » plein de sous-entendus. Nous vivons des moments étonnants, nous parcourons collectivement des territoires inexplorés. Nous nous reconnaissons dans les difficultés quotidiennes partagées : l’isolement et la solitude, l’incrédulité, l’envahissement de notre espace physique et mental, la difficulté à se concentrer alors qu’on nous demande de télé-travailler comme si nous n’avions pas d’enfant et d’animer notre progéniture comme si nous n’avions pas quatre réunions sur Zoom à l’agenda et un rapport à rédiger. Et les repas, et la vaisselle qui n’en finit pas. Petits problèmes du confinement de classe moyenne.

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renversement

Aujourd’hui, je me suis retrouvée, je pense, dans une situation étrange. Une sorte de renversement de rôles auquel je ne m’attendais pas. Je dis « je pense » parce que je ne suis même tout à fait certaine d’avoir bien saisi la situation en question. Mais je crois que sans le vouloir, j’ai fait subir à une maman ce que je voulais éviter à tout prix il y a quelques mois.

Après être allée aller manger avec une collègue, de passage à mon travail pour répondre à quelques questions de la personne qui me remplace, je me suis retrouvée au milieu d’une de ces conversations typiques de fin de grossesse. Il faut dire que je me sens à l’aise d’aborder ces questions avec mes collègues, qui ont été extrêmement présent-e-s et à l’écoute suite à la mort de Paul, à mon retour au travail l’an dernier, puis à l’annonce de cette nouvelle grossesse. J’ai répondu à leurs questions sur la position du bébé, j’ai partagé mes impressions par rapport à mon congé, et à l’attente de l’arrivée de bébé-de-mai.

La conversation était légère. Je ne sentais pas le besoin d’exprimer mes inquiétudes face au futur, justement parce que je n’avais pas à les cacher. Savoir que j’aurais pu en parler avec ces personnes, savoir qu’elles m’auraient écoutée me suffisait. Alors je m’en suis tenue à des aspects plus banals de mon quotidien. De l’extérieur, j’imagine, j’avais l’air d’aborder ces derniers jours de grossesse avec la même confiance qui m’habitait juste avant la naissance de Paul. J’avais l’air de vivre dans l’ignorance de tout ce qui peut mal tourner, dans la naïveté qui précède le drame. J’avais l’air d’avoir rejoint le monde des vivant-e-s, du normal, du simple.

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je suis une mère féministe

Ces réflexions sont inspirées entre autres par des thèmes proposés par le projet capture your grief — explore & express. Plutôt que d’explorer où j’en suis dans mon cheminement de deuil, je part du stade où je suis rendue, quel qu’il soit, pour tenter d’exprimer un aspect plus politique de mon expérience comme mère.

Depuis quelques années déjà, je m’intéresse à différents aspects de la maternité, du maternage, de l’éducation des enfants. Au début de mon bacc (en études féministes), je me suis retrouvée l’une des seules étudiantes sans enfant à m’inscrire au cours Images of motherhood. À ce moment-là, je réfléchissais en termes assez détachés de la possibilité d’être une mère féministe, éventuellement. Lire la suite

(à) pas de bébé

pour celles et ceux qui peuvent se sentir sensible à ce sujet : je parle de bébés et de ma grossesse dans les paragraphes qui suivent.

 

« Comment ça va avec votre nouveau bébé? »
Je me surprends à poser la question, à engager la conversation avec un parent tout neuf. Je me souviens trop bien des premiers jours de la vie de Paul, de mon besoin de parler, de raconter, de me vanter un peu, sûrement. Je revis ces moments par procuration à travers cette brève conversation.

Un peu plus tard, il me fait un commentaire à la blague sur les changements de couche. Là encore, sans y croire tout à fait, je ne met pas un terme à la conversation. Je partage mon expérience. Je lui raconte la fois où Paul a fait caca à moitié sur moi, à moitié sur le tapis posé sur un canapé qui ne m’appartenait pas. C’était ma première sortie seule avec le bébé. Pour une réunion — évidemment. J’étais fière d’arriver avec Paul, fière d’être debout et en forme pour une activité militante si peu de temps après la naissance, fière d’aller cogner chez mon amie, à la porte voisine pour lui présenter Paul, même brièvement.

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