des peurs

Patrice me tend son téléphone et m’annonce en souriant : « Elle est prête au combat ». Sur l’écran, une photo de Malou, un poing refermé levé près de sa tête. Comme une bébé révolutionnaire. Ça devrait me faire sourire aussi, mais des larmes m’échappent alors que je dépose le téléphone sur la table.

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Avec un bébé de quelques semaines, on se fait souvent demander comment ça va. C’est d’autant plus le cas après avoir passé près de deux semaines à l’hôpital avec ce bébé.

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si peu

– Je lui ai remonté son cache-cou pour pas qu’il ait froid.

C’est la deuxième fois qu’elle vient ajuster le cache-cou d’Aimé, installé en porte-bébé dans mon dos. La première fois, sans enthousiasme, je me suis contentée de lui dire qu’il aurait tôt fait de le redescendre. Je ne l’ai pas remerciée, au risque de passer pour une ingrate. Je ne la connais pas, je ne comprends pas vraiment pourquoi elle insiste pour se mêler des vêtements d’Aimé. Je n’ai pas réussi à lui dire d’arrêter non plus. Par peur de passer pour une ingrate, peut-être.

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pédaler

Tu pédales. Fort.

Même si tu sais qu’objectivement, les risques sont faibles, la peur t’habite alors que tu t’engages sur ce tronçon isolé de la piste cyclable. Tu prends de la vitesse pour te donner du courage. Malgré la pente, malgré tes cuisses qui commencent à brûler, tu pédales. Effrayée, le souffle court, tu pédales.

Tu n’as croisé personne depuis que tu es partie. Mais ce n’est pas la solitude qui te fait peur.

Une vie à te faire dire de faire-attention-de-pas-rentrer-seule-pas-dans-le-noir-pas-à-c’t’heure-là-c’est-dangereux, et la peur a fait son nid au creux de ta cage thoracique. Elle est chez elle maintenant.

Tu n’essaies même plus de la foutre à la porte.

Tu pédales.

 

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billet inspiré par le thème « effrayé.e » du projet MotsVembre

peur et soulagement

Apprendre à être parent pour un bébé qui n’est plus là, c’est douloureux et compliqué et difficile.
Apprendre à être parent d’un bébé, d’un enfant, après avoir perdu un bébé, c’est moins douloureux, mais c’est compliqué aussi. Et difficile, par moments.

C’est difficile de fonctionner quand on dort mal, quand on est constamment sollicitée.
C’est compliqué de concilier le bonheur et la reconnaissance d’avoir un enfant en santé, qui grandit, qui se développe avec les petites frustrations quotidiennes et avec le sentiment de culpabilité de ne pas réussir à profiter de chaque instant pour ce qu’il est, un moment précieux partagé avec mon bébé. Je sais que c’est normal d’avoir des moments de fatigue, voire de découragement ou de frustration, mais ça ne m’empêche pas de trouver difficile de les accueillir.

C’est difficile et compliqué, aussi, de vivre avec la peur intense qu’il arrive quelque chose à Aimé.

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comment t’expliquer?

Je sais que tu dis ça pour bien faire. Je sais que les conversations sur le sommeil des bébés, c’est pratiquement un passage obligé dans les discussions entre parents. Je te fais confiance, je suis certaine que tu t’occupes bien de ton bébé, et je suis heureuse pour vous si vous avez trouvé un truc pour qu’il dorme mieux, plus longtemps, pour qu’elle soit mieux reposée.

Je te remercie de ne pas me faire de commentaire désapprobateur quand je mentionne que notre petit d’un an dort encore avec nous, même si je vois dans tes yeux surpris que tu trouves ça intense. Tu as peut-être raison que plus on attend pour l’habituer à dormir seul, plus ça va être dur.

Peut-être. Peut-être pas.

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fines lignes roses

Il y a deux ans, presque jour pour jour, une très fine ligne rose nous annonçait le tout début de ton aventure parmi nous. Une marque verticale presque imperceptible à moins d’avoir l’œil aguerri par l’espoir. Pareil pour les sensations subtiles qui commençaient à m’habiter, porteuses d’un bonheur plein d’étonnement.

Les neuf mois qui ont suivi n’ont pas été de tout repos. De ta place privilégiée, tu m’as sûrement entendue me plaindre de mes petits maux, de mes pieds enflés, de mes chevilles disparues, de ma fatigue intense. Je n’ai pas vécu la grossesse légère et épanouie dont j’avais rêvé. Mais tous ces désagréments, sans compter celui, mal vécu, d’avoir « raté » mon accouchement, ont valu la peine. Ils ne sont rien face au bonheur intense que tu nous as fait vivre.

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la violence, les arrestations, la peur

Je me suis posé la question cet après-midi : est-ce que je fais l’effort de ressortir de chez moi ce soir pour aller à cette première manif de soir? Est-ce que je sors de ma zone de confort pour faire valoir dans la rue que l’austérité n’est pas une fatalité? Que le gouvernement Couillard accumule les décisions qui ont un impact désastreux sur une majorité de la population, et particulièrement sur les personnes qui sont déjà les plus mal prises? Est-ce que je fais cet effort pour ajouter ma voix à celles qui crient contre l’injustice?

J’ai choisi la facilité. Je suis restée à la maison, plus par lâcheté qu’autre chose. Enceinte de presque huit mois, je ne me sens pas nécessairement assez en forme pour aller marcher des heures dans les rues mais le contexte de répression policière à Québec me laissait entrevoir que la manif ne déambulerait pas pendant des kilomètres et des kilomètres. J’ai choisi la solution facile de me reposer en écoutant un film et de suivre le sort des manifestant-e-s sur facebook, dans le confort de mon fauteuil. Lire la suite

pour (essayer d’) en finir avec l’auto-censure

On dit qu’une personne est lourde quand elle nous semble se vautrer excessivement dans des émotions perçues comme négatives – par exemple la colère, l’anxiété et la tristesse. Le mot ‘lourdeur’ a une connotation péjorative et, de fait, est porteur de censure. On peut donc l’utiliser comme bâillon, de façon à ne pas avoir à gérer les émotions de la personne en face, à ne pas subir un drain émotif malvenu.

Mimi

La fête nationale. Une part de moi s’en fout un peu, et je ne me sens pas l’énergie d’exposer des critiques politiques/constructives à ce moment d’étalage collectif d’un nationalisme un peu vide. De toute façon, plein de gens l’ont fait tout à fait adéquatement et se sont fait un plaisir de le partager sur leur réseau social de choix. Alors pour ma part, je n’ai pas partagé à ma ribambelle « d’ami-e-s » ce que j’en pensais. Pourtant, j’avais le temps. Et, au fond, j’avais quelque chose à dire.
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petites banalités

IMG_5062Au milieu d’une conversation banale, j’aperçois deux photos collées sur notre frigo. En une seconde, je me transporte aux moments où ces photos ont été prises. Quand j’étais simplement émerveillée par ce petit être qui se joignait à nos vies, quand les photos n’avaient encore rien du trésor immense mais insatisfaisant qu’elles sont devenues. Je passe et repasse ces moments dans ma tête.

Le premier voyage en voiture. Paul emmitouflé pour faire face aux températures extrêmes du début janvier. Les petites mitaines rayées qui nous épatent : le seul truc qui tienne en place, malgré le fait qu’elles ont été tricotées par grande-tante française qui n’a jamais connu les -30C qui marquent les premiers jours de 2014. La visite où Paul regarde sa cousine d’un air admiratif, elle qui le surplombe du haut de ses neuf mois. Le séjour dans le bois. Le bain, les siestes, petits moments quotidiens presque insignifiants.
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la peur

J’ai mal partout.

Au corps, au cœur, à la tête, à la confiance, au bonheur.
Ici et ailleurs aussi, il n’y a pas de fuite possible.
Il n’y a pas de mots pour ce désespoir.

L’envie irrésistible d’être ailleurs, dans une autre version de ma vie.

Celle où, hier, j’aurais pu faire comme tout le monde et partager trop de photos de mon bébé pour ses quatre mois. À la place, déchirée à l’idée de ne pas crier au monde entier qu’il aurait du être parmi nous, mais sans avoir les mots justes, j’ai partagé un bout de pas-grand-chose en me demandant si je dérangeais.
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