Apprendre à être parent pour un bébé qui n’est plus là, c’est douloureux et compliqué et difficile.
Apprendre à être parent d’un bébé, d’un enfant, après avoir perdu un bébé, c’est moins douloureux, mais c’est compliqué aussi. Et difficile, par moments.
C’est difficile de fonctionner quand on dort mal, quand on est constamment sollicitée.
C’est compliqué de concilier le bonheur et la reconnaissance d’avoir un enfant en santé, qui grandit, qui se développe avec les petites frustrations quotidiennes et avec le sentiment de culpabilité de ne pas réussir à profiter de chaque instant pour ce qu’il est, un moment précieux partagé avec mon bébé. Je sais que c’est normal d’avoir des moments de fatigue, voire de découragement ou de frustration, mais ça ne m’empêche pas de trouver difficile de les accueillir.
C’est difficile et compliqué, aussi, de vivre avec la peur intense qu’il arrive quelque chose à Aimé.
Avant la naissance d’Aimé, j’appréhendais. J’avais peur d’être surprotectrice, de ne pas le laisser découvrir et expérimenter le monde. Finalement, je me rends compte que j’arrive sans trop de difficulté à le laisser s’éloigner et explorer et grimper. Je trouve du réconfort à le voir bouger, se faire des bleus, pleurer un peu. Tant qu’il bouge, qu’il babille, ou qu’il se met en colère, je me sens à peu près paisible.
C’est quand il dort — enfin! — que la peur m’habite le plus intensément. Quand tout est trop calme, mon esprit saute aux conclusions hâtives et aux scénarios catastrophe. Alors que je devrais en profiter pour dormir moi aussi ou pour faire toutes les petites tâches difficiles à accomplir quand Aimé est éveillé, je suis constamment interrompue par cette peur. Compulsivement, je vérifie encore et encore si tout va bien, je scrute la poitrine d’Aimé pour être sûre qu’elle se soulève et s’abaisse régulièrement. Ou alors, quand mon champ de vision est bloqué par la poussette dans laquelle il vient de s’endormir, je m’oblige à attendre. Une minute. Deux. Trois. Puis je m’arrête et je vérifie.
Chaque fois, ça va. Chaque fois, il respire. Chaque fois, j’ai l’impression que je dois recommencer à retenir mon souffle jusqu’à la prochaine fois.
Je me demande si un jour, la peur va arrêter de gronder en moi.
En attendant, je profite d’Aimé. Aimé éveillé, Aimé endormi, paisible.
Et je pense à Paul. Toujours.
ce matin dans le jardin…
Beautiful.
I wish the moments of desperate fear wouldn’t patronize you, but of course, they do. Not taking any moment for granted (with Aime) can be exhausting. You are doing a beautiful job, Typhaine, of being mother to your two precious sons.
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