huit ans

Paul, mon bébé,

Aujourd’hui, on a été à ton arbre, pour une septième année. Malgré le froid, la covid et les années qui passent, plusieurs personnes étaient là pour te saluer, pour décorer ton arbre. Les souvenirs déposés au fil des ans s’accumulent. Certains décolorés ou abimés, d’autres qui survivent au temps qui passe mieux qu’on aurait pu l’espérer. D’autres encore sont tombés, ensevelis sous la neige, ou disparus. On en a ajouté quelques uns. Une lettre confectionnée par ta cousine, un petit pendentif, des décorations préparées par ta grand-mère. Il y a tant de gens qui pensent à toi.

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imaginer

Il a fait froid aujourd’hui. Comme il y a huit ans quand nous avons pris le chemin de la maison de naissance, où j’espérais t’accueillir. Comme quand nous sommes sorti.es de l’hôpital, quelques jours plus tard, en famille. Il y a eu tant de journées froides, pendant ce mois de janvier il y a huit ans. J’écris « huit ans », mais je ne parviens pas réellement à mesurer la somme de ces années. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de tous ces jours, dont certains passent pourtant si lentement.

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ta journée

Mon Paul,

Entre sommeil et éveil, je t’imagine. Je tente de me faire une idée de ce à quoi tu ressemblerais, de ton visage, de la taille que tu aurais aujourd’hui, à la veille de tes quatre ans. J’imagine la fébrilité qui pourrait t’habiter, les demandes spéciales que tu aurais pu nous faire pour marquer ta journée.

Je me force à imaginer ce que signifie cet âge. Quatre ans. J’ai de la difficulté à en prendre la mesure.

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octobre

L’été a traîné mais il a fini par s’en aller. Ça y est, la fraîcheur des nuits d’automne s’est installée. Je fais quelques pas à l’extérieur du chalet. Le sable crisse sous mes semelles. La nuit tombée presque trop tôt est claire. La grande ourse au-dessus de moi pointe ton étoile. Polaire.

Tu m’as manqué pendant cette journée et demie hors de la ville. Ces lieux me rappellent les journées d’automne passées à t’attendre, à te rêver. Ça m’étourdit de constater que quatre années ont passé depuis. Tu étais minuscule alors. Tu n’étais presque pas encore.

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aimer

J’aurais aimé te soulever
te faire passer par dessus la barrière de métal
Ton père t’aurait déposé doucement par terre avant d’attraper Aimé pour le mettre sur ses épaules
J’aurais aimé te regarder courir a ses côtés
J’aurais aimé voir ta fierté à passer le fil d’arrivée
sous le soleil de midi-moins-dix

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un rêve

J’étais dans une espèce de fête foraine. Un de ces endroit dont les rêves sont construits — réalistes au moment où on les vit, mais inexplicables après le réveil. C’était la fête, l’été, mais la scène n’était pas complètement légère — les tableaux qui se succédaient comportaient aussi des éléments inquiétants. Une rumeur d’alerte à la bombe, je crois.

J’étais là, sans mon bébé. Je le savais absent, mais je n’étais pas inquiète.

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tu es là

tu es là
dans l’affection, profonde, sincère, inexplicable
que j’ai
pour les autres bébés qui ne sont plus
pour leurs parents

tu es là
dans la conversation à peine audible
déclenchée par ta main tatouée sur mon bras
à travers mon extinction de voix, j’essaie de dire
ta vie
ta mort
toi

tu es là
bondissant
au détour du sentier, dans la neige qui s’accroche
comme dans le petit cahier rédigé pour te dire aurevoir

tu es toujours là, mon amour
près de moi
en moi

lièvre_Fotor.jpg

de moi, de nous

img_2579mon petit Paul,
mon amour,
mon bébé d’hiver,

Il y a trois ans aujourd’hui, nous vivions le désespoir de voir ta vie s’éteindre si peu de temps après avoir commencé.

Nous, c’est ton père et moi.
Nous, c’est nos familles, nos ami.e.s.
Nous, c’est ceux et celles qui ne savaient pas le drame qui se déroulait en ce premier février 2014 mais qui allaient contribuer à te faire vivre dans leur mémoire pour des semaines et des mois.

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une carte postale

mon Paul,
je t’écris dans le noir du petit matin hivernal, assise dans le salon de ton arrière-grand-mère — une de tes arrière-grand-mères. Depuis notre arrivée en France, nos nuits sont agitées. Ton petit frère peine à s’ajuster aux six heures de décalage horaire qui nous séparent de notre horaire habituel. Il se tourne et se retourne et se réveille et nous réveille. On se lève tard. Les journées sont courtes, trop courtes. Elles passent à toute vitesse.

On vient de descendre de l’avion, il me semble, et pourtant la fin du voyage semble déjà se profiler, dans un après-demain hâtif.

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