Dans les rencontres de groupes de soutien, je me présente comme « la maman de Paul ». C’est le remède que j’ai trouvé pour mettre un baume sur la peur panique qui a coulé en moi dès que j’ai commencé à saisir que nous n’allions pas rentrer de l’hôpital avec Paul. « Je ne serai plus sa mère ». Mes souvenirs de ces heures-là sont confus. Quelqu’un, quelqu’une probablement, m’a répondu que j’étais encore la fille de mes parents, et que j’allais rester la mère de mon fils. J’ai continué à demander à ce qu’on me rassure sur ce point, encore et encore. J’ai réussi à y croire. J’ai réussi à me glisser dans ce rôle bizarre de mère sans enfant.
Mais est-ce vraiment moi? Est-ce vraiment qui je suis? J’arrive de plus en plus mal à me replonger dans les souvenirs de moi comme nouvelle maman qui avait le luxe de redéfinir doucement mon identité. Je me rappelle avec de moins en mois qui j’étais quand le temps passé avec Paul était plus long que le temps passé sans lui. Chaque jour qui passe, chaque mois écoulé rend proportionnellement de plus en plus minuscule les vingt-huit jours de la vie de Paul, les vingt-cinq jours de nos vies partagées, sans le bruit des machines et la supervision des infirmière et les jaquettes jaunes et les masques et l’odeur d’alcool sur nos mains sèches.
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