un tout petit mot

tes mots
tes premiers mots
comme des perles
enfilées aux moments
les plus surprenants

ce matin, c’était « trou » en pointant le coin manquant d’une gaufre.
juste avant, c’était « en haut » – réponse magique à tous les problèmes qui se profilent à l’horizon de ton quotidien.
une pièce de casse-tête manquante? « en haut »
envie d’un calin? « en haut »
besoin de ta maman? « en haut »

je m’émerveille de t’entendre commencer à nommer le monde.
j’ai hâte de t’écouter continuer à apprivoiser la vie.

je t’aime

 

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billet inspiré par le thème « surprise » du projet MotsVembre

lentement

Les changements se sont faits doucement, lentement.
Comme l’âge qui s’installe subtilement dans les corps et les visages, changements imperceptibles au quotidien mais qui nous sautent aux yeux en feuilletant un album de vieilles photos.

Tout à l’heure, au hasard d’un podcast, j’écoutais une femme parler du journal particulier que tenait son grand-père. Pour chaque journée de l’année, une page désignée où il consignait diverses informations. Ses projets du moments, ses repas, sa pesée annuelle… des archives analogiques minutieuses, d’avant le temps où tout s’enregistre, qu’on le veuille ou non, d’avant l’ère de facebook qui m’accueille le matin avec des « souvenirs », sans faire de différence entre des moments réellement marquants, parfois intenses, et la plus insignifiante des pensées que j’ai eu l’idée de partager il y a quatre ou cinq ans.

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mon arbre

tendre le bras
du bout des doigts, caresser l’écorce
prendre appui sur une branche basse
me hisser tant bien que mal pour gagner de la hauteur
grimper sur cet arbre qui me rappelle les live oaks de City Park
chênes centenaires, témoins de l’histoire

il y a deux ans et demi j’écrivais
J’ai l’impression que mon arbre généalogique a été pris d’assaut par un enthousiaste de la chainsaw.

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pédaler

Tu pédales. Fort.

Même si tu sais qu’objectivement, les risques sont faibles, la peur t’habite alors que tu t’engages sur ce tronçon isolé de la piste cyclable. Tu prends de la vitesse pour te donner du courage. Malgré la pente, malgré tes cuisses qui commencent à brûler, tu pédales. Effrayée, le souffle court, tu pédales.

Tu n’as croisé personne depuis que tu es partie. Mais ce n’est pas la solitude qui te fait peur.

Une vie à te faire dire de faire-attention-de-pas-rentrer-seule-pas-dans-le-noir-pas-à-c’t’heure-là-c’est-dangereux, et la peur a fait son nid au creux de ta cage thoracique. Elle est chez elle maintenant.

Tu n’essaies même plus de la foutre à la porte.

Tu pédales.

 

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billet inspiré par le thème « effrayé.e » du projet MotsVembre

rock

Les jambes étendues devant moi, j’inspecte les motifs que le sol a créé sur mes orteils, mes pieds, mes chevilles. Quelques poils dressés portent une petite calotte de bouette, mes ongles se démarquent sur ce fond taché par la terre rougeâtre.

Ma sandale de caoutchouc a rendu l’âme tôt dans soirée, je m’étonne de m’en tirer sans une blessure de guerre pour graver en moi ces heures, ce son qui continue de m’habiter.

Le soleil me force à émerger de ma tente à effet-de-serre.
La nuit a été si longue et trop courte à la fois.

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billet inspiré par le thème « rock » du projet MotsVembre

insouciance (2)

perdue
vue pour la dernière fois
un matin de janvier
elle s’est sauvée
elle ne portait pas de collier

valait pas la peine d’essayer de la rattraper
c’était pas loin du boulevard Hamel
elle s’est probablement fait écraser

odeur de pneus crissant sur l’asphalte
haut-le-cœur d’une sirène stridente
artère porteuse de mauvaises nouvelles

master-virginia-vf-04

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image: copyright Isabelle Arsenault (source)

billet inspiré par le thème « perdu.e » du projet MotsVembre