Je sais que tu dis ça pour bien faire. Je sais que les conversations sur le sommeil des bébés, c’est pratiquement un passage obligé dans les discussions entre parents. Je te fais confiance, je suis certaine que tu t’occupes bien de ton bébé, et je suis heureuse pour vous si vous avez trouvé un truc pour qu’il dorme mieux, plus longtemps, pour qu’elle soit mieux reposée.
Je te remercie de ne pas me faire de commentaire désapprobateur quand je mentionne que notre petit d’un an dort encore avec nous, même si je vois dans tes yeux surpris que tu trouves ça intense. Tu as peut-être raison que plus on attend pour l’habituer à dormir seul, plus ça va être dur.
Peut-être. Peut-être pas.
Ça, je te le dis, parce que même si je ne suis pas entièrement convaincue moi-même, je crois que quand viendra le temps de la transition, notre enfant aura emmagasiné plein d’amour et de chaleur, et qu’il saura que ses parents sont tout près et toute ouïe pour répondre à ses appels. J’espère qu’il aura confiance, et qu’il saura que notre porte et nos bras sont toujours ouverts pour lui.
Ce que je ne te dis pas, c’est que moi non plus je ne suis pas prête.
Même si je manque de sommeil, même si j’en ai parfois marre d’allaiter au milieu de la nuit, je ne suis pas prête à troquer mes nuits entrecoupées pour un sommeil profond. Je ne suis pas prête à arrêter de vérifier plusieurs fois par nuit que notre bébé respire toujours.
Je ne sais pas comment t’expliquer ça tout en restant dans le registre d’une conversation normale entre parents. Je ne crois pas que ce soit possible. J’ai tellement peur que mon bébé cesse de respirer, j’ai tellement peur de ne pas m’en apercevoir. J’ai si peur parce que même si les probabilités sont infimes, ça m’est déjà arrivé.
Je connais intimement la panique qui m’a envahie en me rendant compte que Paul était inanimé. Je l’ai revisitée des milliers de fois. J’y pense la nuit quand je me fais réveiller pour la troisième fois. Et au fond de moi, je suis soulagée de me faire tirer du sommeil par les bruits de mon Aimé.
Chaque fois, c’est parce qu’il est en vie.
Comment dormir quand on sait trop bien que ça peut s’arrêter?
Comment dormir sans que mon bébé soit tout près de moi?
Comment t’expliquer tout ça?
Loin de moi l’idée de donner des leçons, je n’ai jamais eu à vivre le décès de mon enfant. Ni de donner les bonnes méthodes. Il y en a tellement…
Juste partager mon vécu; j’ai passé les 2 premières années de la vie de mon ainé avec son lit dans notre chambre.
je n’étais pas prête avant, il n’était pas prêt avant. ça s’est passé naturellement un jour, où on a eu assez confiance.
Il me semble, maintenant qu’il a 17 ans, que chaque étape s’est passée quand nous étions prêts, quand l’un l’autre nous étions assez rassurés…
Alors je souhaite juste que chaque maman puisse faire selon son instinct ou/et ses peurs ou/et son amour, sans risquer un regard…
Thyphaine,
Je te comprends. J’ai beau être infirmière et travailler encore en pédiatrie, je me surprends moi-même à vérifier plus souvent que de raison si ma petite-fille Sasha respire. Et je suis bien consciente que c’est dû à ce qui est arrivé à Paul. Alors j’aime mieux ne pas penser à ma réaction si c’était mon propre enfant qui avait cessé soudainement de respirer.
Ceci étant dit, cette question de garder ou non son enfant dans la chambre ou le lit des parents est beaucoup culturelle. Certains Inuits nous manifestaient leur surprise de voir que notre enfant couchait seul dans sa chambre. Ils ne comprenaient pas.
J’en profite pour te dire que j’ai acheminé ton blogue sur le porte-bébé à Émilie. Ils sont allés dans la même semaine, chercher l’information sur l’utilisation de ce porte-bébé qui est semblable au votre. Et ils en ont appris beaucoup. Merci.
Colette, merci pour ce message et la dose de relativisme culturel. C’est vrai que ce qui semble normal ici ne l’est pas ailleurs — et que les débats sur le co-dodo n’ont pas lieu partout!
Je suis bien contente pour Émilie. Malgré ce qui est arrivé à Paul, le portage continue de faire partie de nos vies et nous apporte des moments de proximité avec Aimé qu’on ne vivrait pas autrement, alors je suis toujours heureuse de savoir que d’autres parents vivent ça eux aussi.
Merci beaucoup Florence. Pour votre compréhension et aussi parce que ça fait du bien de temps en temps de sentir que ce qu’on fait comme parent a bien fonctionné pour d’autres. J’apprécie !