préambule – J’essaie depuis quelques jours d’écrire un texte sur les défis que (me) pose l’écriture en tant que mère d’un petit grouillant d’un an mais — c’est très à-propos — je manque de temps et d’espace (mental entre autres) pour y arriver. Je me contenterai donc pour tout de suite de partager quelques pensées en vrac…

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Du bout du doigt, comme souvent, je trace les lettres de son prénom dans la buée de la porte de la douche.
P A U L

J’aime les voir en majuscules. Fermes. Fortes.
J’aime les tracer en cursives, d’un seul mouvement. Comme si ces lettres étaient faites pour vivre ensemble.

En essuyant les gouttelettes et la brume sur la paroi de verre, je peux voir la photo de Paul accrochée au dessus de la baignoire. Un de ses premiers bains. Son cordon ombilical encore accroché.

Soudain, en ce bref moment de solitude, je perçois puissamment son absence. L’absence de son corps, de l’espace qu’il a occupé, qu’il devrait encore habiter. Sa peau chaude, les mèches noires de ses cheveux, ses pieds pas tout à fait symétriques. L’eau chaude coule sur mes épaules, m’enserre en ruisselant.

Je m’aperçois que j’ai réussi à m’attacher à l’idée de Paul, à son souvenir, à ce qu’il est maintenant dans ma vie, dans nos vies. Une idée, une présence qui n’en est pas une. Mais avec cet attachement nouveau vient l’oubli d’un autre pan de la réalité.

Le corps de Paul. Son poids, son odeur. Sa présence dans le monde.

Je sais que je ne pourrais pas vivre, fonctionner, encore moins prendre soin d’un autre enfant, si je n’avais pas oublié un peu. Il fallait oublier pour ne pas m’effondrer et ne jamais me relever. Et pourtant, je m’en veux d’oublier, de ne plus savoir ce qui me manque, celui qui me manque, avec autant d’acuité