Mon Paul,
Tu me manques.
Particulièrement en ce moment de l’année qui est le tien, froid et beau, porteur de ta présence. Particulièrement alors que nous passons un moment dans le chalet où nous t’avons amené quand tu avais à peine trois semaines. Tu me manques tout le temps.
Couchée sur le côté, je regarde ton père. Entre nous deux, ton petit frère. Ils sont beaux tous les deux, ils se ressemblent, te ressemblent, formant une parenthèse, un berceau autour du vide que tu as laissé dans notre famille. Tu manques à ce tableau. Tu devrais être là, blotti avec nous pour une sieste familiale à l’abri de la tempête.
Je voudrais tant connaître tes petites mains, te voir jouer avec ton frère, te faire goûter les recettes que nous avons le temps de concocter ces jours-ci. Je voudrais te voir redécouvrir la neige, apprivoiser les pentes gelées, collé contre moi dans un traîneau. Ce devrait être ton troisième hiver. Le temps passe vite et lentement à la fois.
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Je viens de terminer la lecture du merveilleux récit d’Anaïs Barbeau-Lavalette, La femme qui fuit. Sous sa plume magnifique, pleine de la douleur héritée de sa mère, abandonnée par la sienne, la puissance des liens familiaux se déploie et me fait penser à toi, à nous :
L’aube pointe et l’enfant naît. Tu la tiens chaude sur toi. Elle sent la mousse des bois. Tu t’y enfouis. Vous êtes deux rescapées. […] Tes mains fébriles apprivoisent les gestes neufs. Elles font écumer le savon sur sa peau. Elles y guident le ruissellement de l’eau, préservent un coin du cou afin qu’il conserve son odeur de forêt humide. Tes mains recouvrent les frissons naissants. Elles sont plus vivantes que jamais. Elles enveloppent ta fille, ta Mousse des bois, elles la collent contre ton corps qui regorge de sève. Tu as maintenant un abri.
La femme qui fuit, p. 180-181
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Tu me manques, mon petit animal des bois.
Dehors, la neige rend tout beau, et tu me manques.
Je t’aime.
ensemble…