[Directement ou indirectement, plusieurs personnes m’ont récemment amenée à réfléchir à mes objectifs de vie et à ce que j’envisage comme quotidien pour ma famille. Ce texte fait le point sur certaines de mes réflexions du moment et sort un peu du ton habituel de ce blogue, au risque de tomber dans le très mondain. Vous êtes prévenu.e.s!]
Comment savoir où sont nos limites? Où est l’espace qui nous revient, pour lequel on n’a pas besoin de se justifier? Où sont nos moments à nous, pour faire ce que l’on veut et non ce que l’on doit, pour prendre soin de soi, de sa famille, pour se prioriser?
Je me rends compte que j’ai de la difficulté à visualiser ce que je veux comme temps et comme espace pour moi comme parent — pour mes enfants — et pour moi comme personne — pour mes projets, mes envies et mes besoins.
J’entends et je lis souvent des commentaires de parents qui prennent un temps de repli familial suite à la naissance d’un bébé. Pour certaines personnes ce temps dure plusieurs années, pendant que leurs enfants grandissent. On dirait parfois que cette façon de faire émane d’une décision claire et simple pour ces personnes, comme si elles avaient su d’emblée qu’elles avaient besoin de deux ans pour se concentrer sur les besoins de leur enfant, ou comme si les renoncements que cela implique avaient été évidents. C’est peut-être le cas pour certaines personnes, bien sûr, mais probablement que dans la majorité des cas, ces décisions sont le résultat de longues réflexions, de réajustements, de négociations et de gestion de contraintes multiples. Pour moi en tout cas, l’espace que je souhaite donner à mes bébés pour profiter d’une vie libre des contraintes de la vie d’adulte n’a pas été une évidence et a fait l’objet de discussions et de négociations.
Avant la naissance de Paul, je m’imaginais être le genre de parent qui fait tout avec son bébé, qui ne recule devant rien. Paul avait à peine plus d’une semaine quand je l’ai amené avec moi à une réunion d’organisation en vue d’un événement féministe. Je n’avais pas cru bon prendre de pause dans mes engagements militants, et j’avais prévu retourner au travail à temps plein après cinq ou six mois.
À ma grossesse suivante, bien que j’aie eu la ferme intention de profiter des premiers mois d’Aimé aussi intensément que possible, je voulais aussi aller de l’avant avec mon projet de retour aux études repoussé depuis plusieurs années. J’ai entamé ma maitrise quand Aimé avait trois mois et Patrice a pris presque toutes les semaines du congé parental auquel nous avions droit. Cet arrangement s’est révélé vraiment positif pour nous trois. Patrice a pu profiter d’un long congé avec son fils. J’ai eu le meilleur des deux mondes qui m’attiraient : réaliser un projet qui me tenait à cœur tout en étant aussi à la maison la majorité du temps pour allaiter Aimé et le voir grandir. Le calendrier scolaire m’a aussi permis de reprendre du temps avec lui à la maison autour de ses un an. Enfin, Aimé a eu deux parents à sa disposition pendant plusieurs mois et a pu rester à la maison avec l’un.e ou l’autre jusqu’à son entrée progressive à la garderie autour de quinze mois.
Entre la naissance d’Aimé et celle de Malou, j’ai quitté mon emploi dans un organisme communautaire, complété ma maitrise et commencé à travailler à contrat comme professionnelle de recherche. Pour différentes raisons, Patrice et moi avons choisi de séparer notre congé parental en deux parties à peu près égales. J’ai pris quelques semaines à la fin de ma grossesse et je suis maintenant en congé avec Malou jusqu’à la fin de l’année. Je retournerai au travail en janvier, possiblement à temps partiel, alors que Patrice prendra le reste du congé.
En planifiant ce calendrier, je m’imaginais de longues semaines qui s’égraineraient doucement pendant lesquelles je profiterais des journées d’automne pour me promener avec mon bébé. Je souhaitais aussi passer du temps à écrire. Je n’avais pas prévu prendre d’autres engagements.
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Il y a un an, j’étais en Islande. Au cours des semaines précédentes, j’avais commencé deux nouveaux emplois. Enfin, un nouvel emploi comme professionnelle de recherche, et un ancien emploi, un poste à temps partiel dans l’organisme pour lequel j’avais déjà travaillé presque cinq ans. Comme mon voyage en Islande était déjà prévu au moment où j’ai été embauchée, j’ai eu un congé moins d’un mois après avoir commencé à travailler, ce qui m’a permis de faire le point. Grâce à la distance et à de longues discussions avec mes amies avec qui je voyageais, j’ai réalisé que le retour vers mon ancien emploi n’avait pas été une bonne décision et j’ai démissionné pour ne garder que les contrats de recherche.
La décision avait été difficile à prendre mais une fois ma lettre de démission envoyée, je m’étais sentie légère et confiante. J’avais la possibilité de travailler plus d’heures en recherche mais je souhaitais garder un horaire allégé pour consacrer du temps à mes projets. Écrire surtout.
À mon retour, j’ai tenté de me donner du temps pour écrire et soumettre des textes pour publication. Puis je suis tombée enceinte. La fatigue m’a fait prioriser le travail et divers engagements. J’ai commencé à voir mon congé parental comme le moment où je pourrais de nouveau me concentrer à écrire. Un peu. Quand Malou serait endormie. Le reste du temps, je voulais simplement profiter du temps avec mon bébé neuf.
Il y a maintenant un an que j’ai pris la décision d’écrire plus. Et puis mon congé parental est bien entamé. Le moment me semble mûr pour faire quelques constats :
::: FAMILLE :::
- Sans adhérer à un style parental hyper intensif, je crois qu’on s’occupe bien d’Aimé, globalement.
- Il est heureux de passer du temps à la garderie, mais on essaie de lui faire faire des journées pas trop longues et de faire la majorité des déplacements entre la maison et la garderie à pied ou en vélo pour qu’il puisse se dépenser.
- Malgré le fait que je suis en congé et que Patrice a un horaire assez flexible, je trouve qu’on demande beaucoup à Aimé de se plier à un rythme qui n’est pas le sien. J’aimerais beaucoup qu’on réussisse à trouver des routines qui respectent mieux son rythme « naturel ». On fait ça comment?
- Dans un même ordre d’idées, je crois que je réponds bien aux besoins de Malou.
- Outre les besoins de base des bébés, j’essaie de suivre quotidiennement les recommandations qui nous ont été faites pour favoriser son développement.
- Je sens que j’ai besoin de trouver un équilibre entre ces « tâches » et les moments de plaisir que je partage avec Malou.
- J’ai passé beaucoup de temps récemment à organiser des choses dans la maison et à faire du ménage dans les affaires qui avaient été entreposées quand nous avons vidé l’appartement où j’ai grandi. Ces tâches ont été couteuses en temps, en énergie et en émotions et je ne suis pas convaincue d’en voir les bénéfices à l’heure actuelle.
::: PROJETS PROFESSIONNELS ET PERSONNELS :::
- J’aime mon travail mais je ne suis pas certaine d’avoir trouvé ma passion non plus. Je continue de me demander ce que je veux faire dans la vie. Pour l’instant, j’apprécie la flexibilité du travail à contrat et les possibilités pour concilier vie professionnelle et familiale. Je pense continuer dans la direction actuelle et voir quelles opportunités s’offrent à moi avec l’idée de réévaluer la situation dans un an ou deux.
- J’ai une tendance lourde à dire oui à tous projets qui me sont proposés et à me porter volontaire pour des responsabilités sans tenir compte de l’effet global de l’accumulation de ces petites tâches. En septembre et octobre, j’aurai accompli des mandats nécessitant chaque fois plusieurs heures pour trois groupes ou projets différents, ce qui est probablement trop parce que je priorise toujours les dates butoir des autres et non mes propres objectifs.
- J’ai moins écrit que j’aurais souhaité au cours de la dernière année et je n’ai pas concrétisé mon projet portant sur le deuil. Toutefois:
- J’ai participé à un « marathon d’écriture » pendant lequel j’ai soumis un texte qui a été retenu pour publication. Un autre texte qui avait déjà été publié en ligne a été inclus dans une anthologie papier.
- Après avoir complété mon mémoire de maitrise, j’ai soumis deux articles dont l’un a été accepté pour une éventuelle publication.
- Je sens que je dois clarifier mes objectifs d’écriture :
- Quels thèmes aborder? Sous quel format?
- Quelles pratiques adopter pour prioriser l’écriture? (Pendant la rédaction de mon mémoire, j’avais des objectifs clairs et des dates butoir qui me motivaient à écrire chaque jour et à accélérer la cadence au besoin pour respecter les buts fixés. Je crois qu’il faut que je reproduise quelque chose d’équivalent.)
Plusieurs autres éléments pourraient être ajoutés à ce bilan et à ces questionnements mais cette liste me permet déjà de remarquer que j’ai tendance à prioriser ce que je dois faire (ou ce que je perçoit comme devant être fait) au détriment de ce que je veux faire. Dès lors, il faut soit que je déconstruise cette tendance — mais comment?! — ou que je la mette à profit en transformant mes souhaits flous en objectifs précis et mesurables.
J’ai quelques idées pour aller en ce sens mais je suis très ouverte à des suggestions et des pistes de réflexion.
je trouve ça bien déjà que tu prennes le temps d’écrire tout ça. C’est déjà un grand pas de fait. Je ne savais pas que tu avais un projet d’écriture en lien avec le deuil périnatal.
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