un long voyage

Hier soir P. et moi on a fait une sortie au théâtre. Chaque fois que je vois une pièce, même quand je ressors avec des critiques face au texte ou à l’interprétation, je me dis que je devrais aller au théâtre plus souvent. Mais là, j’ai (on a) quitté le théâtre dans un état extatique.

La pièce, Le long voyage de Pierre-Guy B., était exceptionnelle. Pierre-Guy Blanchard et Christian Essiambre, les deux comédiens qui ont aussi écrit le texte de la pièce avec Philippe Soldevilla, ont su mettre en mots et en scène des sentiments qui m’auraient semblé impossible à exprimer. Le long voyage présente la collision entre les univers de deux amis qui se sont perdu de vue pendant plusieurs années, l’un rangé dans une vie de plus en plus conformiste, l’autre un peu perdu, dans une quête incessante d’honnêteté et d’intégrité. Entre le paysage froid d’un printemps acadien et l’univers chaud et musical du séjour de Pierre-Guy B. à Istanbul, j’ai eu l’impression de passer la pièce à voyager dans le temps et l’espace.

J’ai été impressionnée par la capacité des deux acteurs à me faire m’envoler à travers le temps et vers des contrées lointaines — incluant le fond de la baie des Chaleurs — avec pour tout soutien deux chaises, quelques instruments de musique et une bouteille de raki. Mais j’ai été encore plus emballée par leur capacité à rendre sur scène toute la détresse du personnage de Pierre-Guy, qui s’exile en Europe et en Asie, puis retourne à la maison sans vraiment trouver sa place dans le monde.

Dans le Voir, Philippe Couture résume ainsi la pièce:

Bref, le fait de se déplacer constamment ne change pas le sentiment de ne pas être au bon endroit. Le long voyage de Pierre-Guy B. est ainsi un voyage à l’intérieur de lui-même: un retour dans le passé familial, lequel sert à mieux comprendre le désarroi du présent et le besoin de se déraciner.

Dans la fuite en avant de Pierre-Guy, j’ai retrouvé une part de l’appel qui m’habitait l’année dernière au lendemain de la mort de Paul. Après des années à me satisfaire d’une vie plutôt sédentaire, l’inconfort immense de dériver dans les paysages trop familiers et remplis des souvenirs de Paul m’a poussé à fuir. J’ai atterri en Colombie en ayant l’impression d’avoir réussi à me sauver d’une menace sans nom. Mais je me suis vite aperçue que je n’avais échappé qu’à quelques semaines d’hiver, et pas grand chose d’autre.

Malgré cela, je reconnais qu’il y a quelque chose d’enivrant à découvrir des nouveaux espaces, à s’oublier dans l’inconnu, à quitter la neige et sa lumière bleutée pour un univers humides aux couleurs sursaturées. C’est cet état d’esprit fébrile entre découverte et désarroi que réussit à exprimer le personnage de Pierre-Guy, inspiré par la vie du musicien Pierre-Guy Blanchard, qui me rappelait un ancien coloc souvent mélancolique mais qui s’animait en racontant ses aventures outre-mer.

Je m’aperçois que je réussis mal à traduire la beauté et la puissance de cette pièce. Et je n’ai même pas essayé de décrire les cinq minutes essouflantes où Pierre-Guy raconte 24h à Istanbul avec interprétation de l’appel à la prière et danses traditionnelles à l’appui. À défaut d’y arriver, je recommande fortement la pièce qui est présentée jusqu’à demain au Périscope. Et pour celles et ceux qui n’auront pas la chance d’y assister, prenez un instant pour découvrir…

– quelques images et extraits d’entrevues sur le site de Radio-Canada

– des extraits de la musique de Pierre-Guy Blanchard

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