Il y a presque deux ans, en avril 2013, P. est parti une dizaine de jours au Nicaragua pour son travail. Juste après son départ, alors que je devais passer la fin de semaine à rédiger un travail de fin de session, je me suis retrouvée clouée au lit par une grippe inhabituellement intense. Je suis rarement malade et quand ça m’arrive, c’est toujours assez bénin — ça l’a toujours été jusqu’à maintenant du moins.
Je me rappelle bien de cette grippe. Alors que j’avais eu presque hâte de passer quelques jours en solo, je me sentais un peu abandonnée. Je regrettais de ne pas avoir quelqu’un pour prendre soin de moi. Je me rappelle aussi que le lundi, la maman de P. est passée à mon travail m’apporter une soupe pour que je me sente mieux. Je me souviens avoir été touchée par ce geste plein d’attention, je me rappelle m’être sentie chanceuse et choyée. P. et moi essayions de concevoir, et je m’étais dit que si ça fonctionnait — quand ça fonctionnerait — notre bébé arriverait dans une famille pleine d’amour.
Quelques jours plus tard, à peu près remise de la grippe, je ne me sentais toujours pas « moi-même » et j’ai commencé à sentir monter en moi l’impression que j’étais enceinte. J’ai attendu au retour de P. pour faire un test, puis deux. En admirant les petites lignes roses, avec bonheur et naïveté, j’ai rationalisé que je n’avais pas réussi à combattre le virus qui m’avait mise hors d’état d’usage pour quelques jours parce que mon corps était trop occupé à faire une place à cette petite pousse qui prenait racine en moi.
Hier soir, j’ai senti un chatouillement dans ma gorge, comme ça arrive parfois quand mon corps essaie de monter ses défenses contre un rhume qui tente de s’inviter. La plupart du temps, il y arrive sans problème. Mais cette nuit et ce matin, j’ai bien senti que mon corps abandonnait la bataille — trop content, je suppose, de pouvoir profiter de ces premiers jours de repos.
J’émerge à moitié d’une journée de demi-sommeil agité, d’inquiétudes non-justifiées (tel que confirmé par une sage-femme) et d’émissions de radio en boucle. Je pense à Paul, à ces tout premiers jours où il s’installait en moi. Et j’attends que P. rentre me réconforter.
Ce soir, je mangerai une soupe en tentant de retrouver cette confiance que j’avais il y a deux ans, confiance en la famille qui accueillera bébé-lentille et l’entourera d’amour, pleinement, comme elle a entouré Paul.
Feel better, my friend.