Il y a des moments comme ça. Des moments où je n’arrive pas à dormir, parce qu’on a décidé de venir présenter Aimé à son arrière-grand-mère en France, et parce qu’on a pas du tout battu le décalage horaire.
Hier, on a passé une bonne partie de la nuit debout. Aimé à se réveiller à moitié, mais en hurlant au complet. Moi à l’allaiter et à le bercer un nombre incalculable de fois, en espérant que ses pleurs ne réveilleraient pas ma grand-mère trop souvent. P. à promener Aimé dans le porte-bébé à travers l’appartement, espérant que le rythme de ses pas arriverait à l’apaiser. On a finalement réussi à rattraper quelques heures de sommeil ce matin – en plein jour ici, mais pendant la nuit nord-américaine. D’où mon incapacité à dormir cette nuit, je suppose.
Je me tourne et me retourne dans le lit, tournant et retournant les souvenirs dans ma tête. À côté de moi, près du lit, une photo de Paul et moi, une image que j’aime beaucoup, où il est couché sur moi, à plat ventre, la tête relevée, prenant appui sur ses avant-bras. Un moment immortalisé qui m’avait rendue fière. Paul si petit et si fort. Je pense à lui. Au bonheur que j’aurais eu de le présenter à sa famille française. À tous ces moments que nous n’avons pas vécus avec lui. À ce petit t-shirt sur lequel est brodé « Bon voyage », que j’avais acheté dans une friperie. Je m’étais imaginé lui mettre, le jour où on partirait en avion avec lui. Finalement, il ne l’a jamais porté. Je pense à lui cette nuit, comme souvent.
Aimé ne dort toujours pas. P. l’installe dans le porte-bébé pour tenter de l’endormir. Vingt minutes ou une demi-heure plus tard, il revient dans la chambre, accompagné d’Aimé assoupi mais aussi d’une nette odeur de couche pleine.
Il y a de ces moments où, au milieu de la nuit, on est à deux pour changer sa couche, des moments où je frotte un pyjama souillé pour ne pas qu’il reste taché. Si on m’avait décrit ce genre de moment il y a quelques années, j’aurais sûrement souhaité les éviter. Et pourtant, aujourd’hui, au cœur de ces moments, je me sens chanceuse de vivre ces petits bouts de bonheur, de me faire réveiller par un bébé qui pleure et qui respire et qui a faim.
Il y a plein de choses dans ma vie qui me font de la peine. Je le sens particulièrement ici, particulièrement au cours des tête-à-têtes avec ma grand-mère qui s’ennuie si intensément de sa fille, ma mère qui ne connaitra jamais ses petits-enfants. J’ai de la peine au creux de cette nuit, et pourtant, parallèlement, je me me sens tellement reconnaissante
reconnaissante pour mes familles
ma petite famille, avec mon bébé en santé et mon amoureux tellement attentionné,
même si l’absence de Paul est toujours trop présente
ma famille élargie au Québec
ma famille en France, qui nous accueille si bien
mes familles choisies, mes ami(e)s de choix…