Je n’arrive pas à identifier exactement ce qui fait la différence. Ce qui fait qu’un vendredi matin, mal réveillée, cinq minutes après avoir fait embarquer dans la voiture quelqu’un que je n’avais jamais rencontré, je lui ai dit.
Je lui ai dit, un peu maladroitement, que j’avais deux enfants, mais que l’un était décédé. Le malaise a été palpable mais bref. Rapidement, notre attention s’est tournée vers l’entrée d’autoroute à ne pas rater, ouvrant la porte à un changement de sujet.
La situation n’a pas été particulièrement agréable ou confortable, ni pour lui (j’imagine), ni pour moi. Pourtant, au fond de moi, j’étais heureuse de ne pas m’être dérobée.
Pourquoi n’ai-je pas su en faire autant plus tard au cours de la fin de semaine, quand d’autres inconnu.e.s m’ont parlé de ma situation familiale ? Pourquoi ai-je gardé le silence, camouflant Paul tout près de mon cœur, comme quand je le portais collé contre moi, caché dans mon manteau d’hiver?
Parfois, c’est la formulation spécifique de la question qui ne s’y prête pas, ou alors la conversation qui, trop vite, laisse croire qu’Aimé est mon premier enfant. Rapidement, j’ai l’impression qu’il est trop tard pour corriger le tir. Alors je laisse aller, espérant qu’une occasion se présentera de nouveau pour expliquer que non, qu’il est le deuxième, qu’il a un grand-tout-petit-frère.
Souvent, c’est la peur, simplement. La crainte de devenir aux yeux des autres une complète extraterrestre, la mère d’un enfant qui n’est plus. Toute la fin de semaine, j’ai failli. Je n’ai pas su dire la vie de Paul, sa présence dans mon quotidien. Même à la personne qui venait de partager ses deuils et les défis auxquels elle faisait face, sur un ton qui m’était familier – le ton de la normalité forcée, un peu froid, pour se préserver de la douleur, pour préserver les autres de la gêne qui survient souvent au contact de la souffrance. Même à elle je n’ai pas su, alors que la porte entrebâillée était là, juste devant moi…
Alors je le dis ici, je le répète.
Je suis la maman de Paul.
Paul, mon bébé de toujours et de jamais.
I do it too. Avoid or miss what I perceive as my opportunity to share for various reasons. Sometimes I tell of one of my dead children – usually Zachary – and then the shock is too great on the receiving end to also share that I had another son die 7 years earlier. This happened recently when I started doing pilates (a personal session with an instructor to get used to the equipment). She asked about my family, my kids, and I said it was complicated, starting with Zachary. She said she was so sorry, changed the subject to my living son, and then we were in the midst of a new exercise for me… so, my firstborn was totally omitted from the conversation. Now, I’m taking group pilates classes and when she is the teacher I worry that the topic of kids will arise and she will be re-stunned to learn I actually have 2 dead children. Or even that she will think I am fabricating a story with how dreadful it is! It is terrible to have so many dimensions to such personal, yet undeniable, facts about our families.
I miss reading about Paul. I’m here now.
Gretchen,
It’s good to read your words, to « see you » here. I miss reading about your boys too…
I imagine how hard it must be to have to tell of not one but two children who died. I have a glimpse of that whenever i mention the death of one of my parents but then feel so uncomfortable explaining that the other one has passed too (the parallel isn’t quite right, as this becomes more and more normal as we age… it’s generally part of life to see our parents die whereas our children, that’s just not supposed to happen). I really relate to worrying that my personal history will sound almost made-up…
Many thoughts to you and your family.