la neige

Avec le temps qui passe, imaginer le quotidien avec Paul est de plus en plus difficile. Dans les jours et les semaines après son décès, j’avais une image très précise de la façon dont mes heures auraient dû être remplies. Mon corps même se chargeait de rappeler à mon attention les moments où j’aurais dû nourrir Paul. Je me réveillais angoissée au milieu de la nuit en sachant pertinemment que j’aurais dû être réveillée par des pleurs, que j’aurais dû avoir à me lever, à nourrir et à changer Paul.

laneige1Ces jours-ci, il m’est à peu près impossible d’imaginer ce que devrait être la vie avec un bébé/enfant de presque un an. À quoi ressemblerait-il? Que mangerait-il? Aurait-il un horaire à peu près stable ou complètement imprévisible? Qu’est-ce qui le ferait réagir? Qu’est-ce qui le ferait rire? Je suis dans le néant. Parce que je n’ai jamais partagé le quotidien d’un bébé plus grand. Mais aussi parce qu’avec le temps, ma façon de penser à Paul s’est transformée. Malgré mes efforts, mes souvenirs perdent leur aspect plus physique, matériel, des débuts. Malgré mes efforts, je m’éloigne.
Infiniment lentement, mais inexorablement.

En marchant vers la maison ce soir, pourtant, j’ai eu pendant quelques instants, sans effort, une image précise de la vie que j’aurais pu mener, que j’aurais dû mener. En allant vers le travail quelques heures plus tôt, j’avais pesté contre le vent qui permettait aux flocons mouillés de s’immiscer entre mon foulard et mon cou, qui me forçait à avancer les yeux presque clos. Mais au retour, le temps s’était calmé. Je marchais dans la même direction que le vent, découvrant ainsi les reliefs laissés par la neige collante sur les arbres et les poteaux du quartier.

La neige avait fait prendre aux objets de nouvelles dimensions. Aidée de la lumière jaune des lampadaire, elle soulignait les espaces et les formes, les renouvelait. La presque-première neige redécorait le quartier et soudain, je me suis vue raconter tout cela à Paul. Rentrer à la maison le retrouver. Aller le voir dormir. Lui raconter tout bas les merveilles créées par la neige et la glace et la nuit. Envisager un instant de le soulever et de l’emmitoufler contre moi le temps d’une balade nocturne. Me raisonner. Le laisser dormir en espérant que la féérie serait encore là au matin.

bonne nuit, petit marcassin.

 

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quelques images qui ne rendent pas justice à la beauté des arbres ce soir…

3 réflexions au sujet de « la neige »

  1. For me, grief comes in cycles, and revisiting the season tends to intensify it. I still get sad in late November, and sometimes don’t even realize why, until I remember the upcoming anniversary of my mom’s death. Now I am glad to have a happy anniversary between two hard ones.
    And I’m glad that you still admire winter’s beauty.

  2. Sometimes I wish we were not so bound and limited by time…, especially when our (parental) love is not. Like you, I find it incredibly painful and discouraging that I cannot *really* comprehend how it « would be » with a growing and changing Zachary here. And that it becomes even more difficult with the passage of time and distance from the actual person of him. It is one of the most depressing things about losing a child at such a young age.

    I wish Paul could be awakened to winter’s beauty, with you, this season. There is no doubt you would helped him experience everything. It is so very sad.

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