Avec les mois qui passent, je sens grandir en moi une certaine confiance par rapport à l’avenir. Au cours des dernières semaines, bébé-de-mai s’est chargé de me rappeler sa présence de manière insistante, comme si il ou elle savait que j’ai besoin de m’accrocher lui, à elle, à cette petite bête qui fait son nid dans mon ventre et dans nos vies. Ce n’est pas comme un bébé qui demanderait une constante attention, mais les rappels sont présents et me font remarquer à quel point il est plus facile pour moi de mettre de côté le souvenir de Paul quand je n’ai pas le temps d’en prendre soin.
Depuis deux semaines, j’ai été beaucoup plus occupée qu’au cours des mois précédents, pendant lesquels j’ai limité le temps que je passais au travail et celui consacré à des activités sociales, incapable d’en faire plus. J’ai décidé de prendre congé pour la fin de ma grossesse parce que je sentais, tout particulièrement l’automne dernier, que je n’arrivais plus à conjuguer ma vie professionnelle avec mes besoins personnels — je manquais de temps, d’énergie, d’attention et je sentais que ce n’était bon ni pour moi ni pour les gens autour de moi. Évidemment, avant de quitter mon poste, j’ai dû m’assurer de laisser mes dossiers dans un état qui soit gérable pour la personne qui me remplacera et pour le reste de l’équipe de travail. Ce ménage pré-congé, auquel se sont ajoutés divers engagements incontournables, m’a obligé à faire des semaines plus longues et des nuits plus courtes.
J’ai senti la fatigue s’accumuler mais j’ai pu compter sur l’énergie du dernier droit. Et aujourd’hui, enfin, j’arrive au terme du décompte des semaines. J’ai laissé mon bureau, plus propre qu’il ne l’a été depuis longtemps, j’ai verrouillé la porte et je suis sortie, à la fois légère d’être libérée de tout un pan de responsabilités, alourdie par la fatigue, et étourdie par la perspective du temps libre qui s’étale devant moi. J’ai marché les quinze minutes pour rentrer à la maison en me rendant compte un peu plus à chaque pas, que c’est maintenant. Le temps que je voulais tant avoir, le temps d’un dernier tête-à-tête avec Paul.
Paul qui me laisse tranquille quand je suis fatiguée, quand je n’ai pas le temps de m’occuper de lui. Paul qui me laisse être distraite par le quotidien. Paul qui, j’imagine, me laissera le temps de découvrir son petit frère ou sa petite sœur, si tout va bien, dans deux mois. Paul qui s’efface et qui attend patiemment, sans crier ni pousser contre les parois de mon utérus.
J’ai utilisé ma grossesse, et mon besoin de me préparer à l’arrivée d’un nouveau bébé pour justifier ces deux mois avant l’arrivée prévue de bébé-lentille. Mais ils sont aussi et surtout pour Paul. Je veux les utiliser pour passer du temps qui lui soit exclusivement réservé, comme j’aurais voulu le faire s’il avait été là, avec nous, en attendant l’arrivée d’un-e quatrième membre de la famille.
Je me sens déjà attachée à bébé-lentille, peut-être parce que je reconnais dans les mystérieux rythmes qui agitent mon ventre, les signes précurseurs aux moments de bonheur palpable qui devraient suivre — en principe. Je veux pouvoir marcher en pensant à Paul, pouvoir prendre le temps de le remercier de m’avoir fait découvrir l’amour immense qui soude une relation parent-enfant et qui fait que j’attends bébé-de-mai avec la confiance que cet amour va se décupler. Je veux tourner tout mon esprit vers Paul, lui offrir mon attention. Je veux me réfugier sur l’île isolée peuplée de mes souvenir, de ma tristesse, de mon amour. Je veux, paradoxalement peut-être, profiter de ces deux mois de deuil sans distraction.
My shoulders relaxed just imagining you closing your office door for the last time. I am so glad you will have this time to grieve and hope… a tough thing to do in tandem! At least the burden or work will no longer be there to distract. As always, I’m thinking of you and Paul.
Thank you Gretchen.
It is complicated indeed to grieve and hope. I try to make sense of these contradictions by focusing on how much i love Paul and how i feel this same love growing in me towrds his brother or sister… But still, it is sometimes confusing.