Les dates significatives, les jours et les mois qui s’additionnent, les anniversaires qui se succèdent. Je ne suis pas la seule à tenir le compte, à accomplir cette comptabilité du deuil. Ça semble même être une pratique assez généralisée parmi les parents qui vivent sans leur bébé. Peut-être parce qu’on a pas ou si peu de moments dans le passé à souligner, on s’accroche à continuer d’imaginer le futur dont on avait rêvé pour notre enfant.
Pendant les premières semaines après le décès de Paul, chaque samedi me semblait être un marqueur significatif du temps qui s’écoulait. Paul est né un samedi soir. Exactement quatre semaines plus tard, presque à la même heure, il s’est éteint, dans nos bras et nos pleurs. Deux samedis plus tard, nous avons partagé sa vie, sa mort, notre peine, avec nos familles et ami-e-s. Après les samedis, ça a été les 1er et les 4 du mois. Maintenant, je tiens le décompte du nombre de mois qui nous éloigne de Paul. Le 4 juillet, qui aurait dû marquer les 18 mois de Paul, sera un samedi. Puis, le 1er août, un autre samedi, il y aura un an et demi que Paul n’est plus là.
Mais en ce moment, le décompte que je fais quotidiennement en est un calqué sur la vie d’Aimé. Chaque jour, je ne peux m’empêcher de penser à la possibilité que lui aussi nous quitte après 28 jours. Il nous resterait alors exactement 10 jours ensemble. Je revis les courtes semaines que nous avons partagées avec Paul en m’imaginant ce qu’elles auraient été si j’avais su à quel point le temps que nous avions ensemble était compté. Je trace de fausses équivalences entre leurs existences respectives. Lundi prochain : Aimé aura 25 jours, dans la ligne de la vie de Paul, c’est le jour de la fin de la normalité, le jour où tout bascule, où nous faisons, sans le réaliser, nos tous premiers pas dans le deuil. Lundi prochain, Aimé et moi avons un rendez-vous de suivi avec ma sage-femme. J’espère que ça m’aidera à me rassurer, qu’une professionnelle de la santé me certifie qu’il va bien.
Aujourd’hui, nous avons vu un pédiatre, qui nous a assuré qu’Aimé est en santé — « un bébé normal » a-t-il répété plusieurs fois, confirmant nos impressions et nos intuitions. Ça m’a apaisé un peu qu’il nous dise ça, sans équivoque, mais pas autant que de l’entendre nous offrir un rendez-vous de suivi en septembre. De cette proposition de routine, j’ai retenu que, selon son avis professionnel, il y a toutes les chances qu’Aimé soit encore là en septembre pour aller à ce rendez-vous. Ma tête sait bien que c’est en effet le scénario le plus probable mais profondément, je continue d’en douter, je n’arrive pas à croire tout à fait que ça pourrait aller, que les choses pourraient aller normalement pour lui, pour nous… Le si-tout-va-bien du début de ma grossesse continue de me coller à la tête et à la langue.
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Aujourd’hui, un petit garçon que j’imagine comme un ami de Paul aurait dû avoir 18 mois.
Aujourd’hui, je pense à lui, Zephyr, et à sa maman, qui est derrière le superbe blogue Growing without.
Today, i think of Zephyr and his loving family.
plein d’amour pour toi, bébé de vent et d’hiver… xxx