Je prends un bain avec Aimé. Au sec, ses cheveux fins sont encore presque invisibles mais une fois mouillés, on les repère plus facilement. À travers les rosettes, j’entrevois le petit garçon châtain que je l’imagine devenir. Derrière sa tête, la peau lisse de son cou monte haut avant de céder le terrain à une unique et minuscule boucle de cheveux saturée d’eau.
En l’examinant, je ne peux m’empêcher de penser à cette mèche de cheveux de Paul, prélevée à ce même endroit de sa tête quelques heures avant sa mort. Il avait plus de cheveux qu’Aimé. Ils étaient plus foncés aussi. Presque noirs, comme les miens. Je ne peux m’empêcher de penser que ce serait presque impossible d’essayer de couper une mèche des cheveux à Aimé.
Il me semble bizarre, étranger, ce petit bouquet de cheveux soigneusement rangé. Bizarre aussi, d’avoir avec nous ce marqueur matériel de l’existence brève de notre enfant, de l’avoir collecté. Mais c’est commun j’imagine. Dans la boîte offerte à l’hôpital pour rassembler quelques souvenirs de l’existence physique de Paul — ses empreintes de mains et de pieds, son bracelet d’hôpital, une couverture — il y avait une petite fiole, prévue pour accueillir une mèche de cheveux.
Je n’ouvre cette boîte que très rarement. Peut-être parce que notre maison, notre quotidien, contient tant d’autres rappels de l’existence de Paul. Peut-être un peu aussi parce qu’elle est remplie de la présence de son frère.
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Aimé se lève. Dès ses premiers instants d’éveil, il sort des jouets des paniers qui les contiennent, il tourne les pages des livres, salit ses vêtements, ses couches, il explore son environnement à la recherche d’un fil électrique oublié, d’un tupperware échoué, d’un papier à sa portée. Dehors, ses joues rosissent à l’air froid de janvier. Quand il rentre et qu’on le tire de son habit de neige, le contraste entre joues froides et son corps tout chaud est saisissant. Il est tellement plein de vie, tellement changeant. Il apprend, il bouge, il proteste, il sourit, il rit.
Je nettoie les joues et les mains d’Aimé, je remet ses jouets à leur place, je replace les pyjamas qu’il a tiré de leur tablette, je pousse la porte de sa garde-robe perpétuellement entrouverte. Cette porte qui est resté si hermétiquement fermée pendant plus d’un an, dans cette chambre en transition, qui ne ressemblait plus à la chambre de bébé qu’elle avait été, mais pas à autre chose non plus. Pièce pleine de souvenirs mais vide de vie.
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Aimé dort sur moi. Le porte-bébé et mes sautillements sur un ballon d’exercice ont eu raison de ce qui l’empêchait de dormir un peu plus tôt — une dent qui essaie de frayer son chemin à travers sa gencive, je crois — mais je n’ose pas le poser sur son lit, de peur de le réveiller à nouveau. Sa respiration est assurée et régulière, parfois entrecoupée d’un soupir ou d’un petit sursaut. La peau de sa joue est chaude et ferme et moelleuse contre la mienne.
Sa présence, si entière, si intense, cohabite avec la déchirure profonde qu’a laissé en moi la mort de Paul. Elle l’apaise par moments, mais elle la met aussi en relief.
En contrepoint de la réalité exubérante d’Aimé, dans sa vie qui prend tant de place dans les nôtres, il y a le passage de Paul, dont l’écho est tellement discret. Si on arrête de le dire, de le nommer, il n’existera presque plus.
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Paul. Trop absent.
mais tellement présent
dans les élans de tristesse qui m’habitent encore
dans ce courrier trouvé ce matin, et qu’on attendait plus
vide rapport du coroner
mais aussi
dans ce mois de janvier qui lui appartient
dans les cheveux et les joues et les jeux de son petit frère
en nous
dans notre famille.
No one thought to tell us to cut a lock of B.W.’s hair, but we did cut some of Zachary’s hair and it sits in the trunk of his things. The lid of the trunk is perpetually open in our bedroom and while I am able to go through it at will, I rarely do. I think about doing it all the time – smelling the blanket he died in, touching the bit of his hair, holding an outfit he wore to my cheek. I avoid it because it’s too real and concrete….I know it will chip away at the fascade of normalcy I have going, to cope day to day. And, sometimes rebuilding that fascade is too painful, requires too much time and energy. It is a strange way to have to cope, but at least I’m coping, right?
You write beautifully about co-existing with Aime and Paul’s absence. Paul must have adored his mother, just as I’m certain Aime does. I hope you’re doing ok as Paul’s anniversary approaches. You are all in my thoughts.
It is part of why i don’t go through Paul’s things often either. Not the box with his hospital things, nor the ones with all the cards we received after his birth and after his death, sometimes separated by only a week or two. When i do, it sends me back to the depths of the loss…
But I think what you describe is a normal and ok way to cope — and that you do a wonderful job at dealing with the tremendous loss of Zachary and B.W., and especially during these complex and difficult weeks of the year.
Thank you for your thoughts.