Mon quotidien est parsemé de ces instants où la présence de Paul occupe tout mon esprit.
Des moments furtifs. Parfois douloureux, parfois profonds, parfois tout simples.
Des moments comme mercredi, alors que je récupérais ma commande au marché de proximité. Une dame que je ne connais pas raconte à un bénévole, puis à une connaissance qu’elle vient de croiser, l’hospitalisation d’un de ses petits-enfants. « Ça a été stressant… il a même pas un an ». Je n’entends plus les histoires d’hôpital comme avant.
J’entends son histoire mais je ne vois que Paul. Je suis projetée en un instant à l’étage des soins intensifs.
l’odeur d’alcool
le bruit des sarraus de papier jaune
le faux cuir des fauteuil qui colle à la peau
la neige qui tombe mollement sur la ville quand nous quittons l’hôpital.
Sans Paul.
Quand j’étais petite, je suis allée à l’hôpital pour un bras cassé. Puis une jambe. Et l’autre bras, des années plus tard. Jamais parce que j’étais malade.
On est pas malade dans la famille.
Mes enfants ne devraient pas être malades.
Mon enfant n’aurait pas dû être malade.
Je sais que des enfants, plein d’enfants, même malades, ressortent de l’hôpital. Je sais que c’est comme ça que ça fonctionne pour la plupart des gens.
« Ça a été stressant… Mais ça va mieux maintenant. »
Je sais tout ça et pourtant, je n’arrive pas à imaginer. Pas tout à fait.
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Des moments comme jeudi, alors que je m’entends raconter une anecdote qui remonte à ma grossesse. Je ne précise pas laquelle. Mais je sais que je parle des semaines d’hiver qui ont précédé l’arrivée de Paul. Quand il était encore une petite bête lovée en moi.
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Des moments comme aujourd’hui, où j’ai fait un détour pour aller lire dans une bibliothèque au (pré)nom prometteur.
PAUL-AIMÉ