Ces jours-ci, ma vie me semble être une longue suite de rendez-vous en lien avec ma grossesse. Un peu plus de rendez-vous de suivis pour bébé-d’été qu’aux grossesses précédentes, mais surtout, plus de rendez-vous pour m’aider à passer à travers les nombreux inconforts que mon corps me fait vivre depuis quelques mois.
Lundi, un rendez-vous avec ma sage-femme. Alors que j’y allais pour un suivi de routine, je me retrouve sans l’avoir prévu à partager mes craintes face à la césarienne que je vivrai très probablement à la fin juillet. À travers les larmes, c’est beaucoup la blessure pas vraiment guérie de mes autres césariennes qui refait surface.
Lundi soir, je devais participer à une entrevue de groupe portant justement sur l’accouchement après une césarienne. C’est un hasard que ces deux moments se partagent une journée: j’avais accepté de participer à l’étude il y a plusieurs mois, et c’est seulement en sortant de la maison de naissance, encore chamboulée, que j’ai réalisé que mon vécu par rapport à la césarienne me remuait encore autant.
L’entrevue de groupe s’est bien passée, même si j’étais la seule personne présente à ne pas avoir « réussi mon AVAC » (accouchement vaginal après césarienne). Pleurer mes accouchements difficiles le matin même a sans doute aidé à ce que j’arrive à m’exprimer plus calmement le soir, à nommer que la guérison d’un accouchement difficile ne peut pas passer uniquement par un accouchement subséquent « réussi ». Je ne sais pas encore par où ça passe, cette guérison que je souhaite tant. J’explore quelques avenues, j’espère, je m’accroche aux expériences plus positives de césariennes qu’on me partage. J’essaie de rester critique face à la notion d’accouchement « réussi » (par opposition à quoi? raté? poche? est-ce qu’un accouchement peut être un échec?) mais je n’y arrive pas complètement, au fond de moi.
J’ai de la difficulté à construire un narratif cohérent de qui je suis comme personne qui accouche. Je suis tiraillée entre ce que j’avais souhaité et imaginé vivre et ce que j’ai réellement connu; entre l’accouchement rêvé — dans un lieu intime et calme, où je me serais sentie forte, capable, en contrôle de mon expérience d’accouchement — et l’accouchement vécu — sous les lumières crues d’une salle d’opération remplie de gens que je ne connais pas, luttant pour ne pas céder à la panique provoquée par l’anesthésie. La douleur physique de la césarienne ne m’a pas marquée durablement mais la sensation de perte de contrôle totale m’habite encore. Parler de cette expérience, et particulièrement de la naissance d’Aimé, demeure très difficile. Je parviens difficilement à comprendre comment tant de personnes peuvent vivre des césariennes aussi sereinement tant c’est loin de ma propre expérience.
Je ne parviens pas encore à faire la paix avec ce que j’ai vécu. Je ne sais pas comment m’y prendre pour y parvenir au cours des trois prochains mois, avant de me trouver de nouveau sous les néons et le bistouri.
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Un des facteurs — parmi plusieurs autres — qui me fait pencher vers une césarienne planifiée pour la naissance de bébé d’été est la possibilité que l’équipe soignante soit prête à accueillir notre bébé qui aura peut-être besoin d’un peu plus d’attention suite à sa naissance. Ça me rassure de savoir qu’un.e pédiatre ou un.e néonatalogiste pourra être à proximité si bébé d’été en a besoin. J’ai nommé cet élément de notre réflexion pendant l’entrevue de groupe, incluant le diagnostic de trisomie 21.
Alors que je me préparais à quitter après l’entrevue, ma voisine de table m’a posé quelques questions à ce sujet et m’a dit quelque chose du genre « c’est toute une autre épreuve à vivre ». Je n’ai pas su exactement comment répondre au-delà de quelques mots pour dire qu’on allait bien voir comment les choses allaient se passer, mais qu’on avait hâte de rencontrer notre bébé.
Je ne savais pas trop quoi dire et m’aperçois que, contrairement à ce que j’envisageais, j’ai un peu de difficulté à écrire sur ma grossesse. Je pensais que j’aurais besoin de décortiquer mon vécu par rapport au diagnostic de bébé d’été mais ça n’est pas vraiment le cas pour l’instant. J’ai moins écrit que je croyais sur cette grossesse parce qu’en dehors des rendez-vous plus fréquents, et des inconforts (douleurs, rétention d’eau, alouette!) qui ont commencé plus tôt, cette grossesse ressemble aux précédentes. Et puis c’est plus facile de raconter ce que l’on vit difficilement que ce qui va de soi. En ce moment, l’impatience de rencontrer mon bébé va de soi.
Je n’ai pas su quoi répondre à ce commentaire sur l’épreuve que devait représenter l’arrivée d’un bébé qui a la trisomie parce que ça me semble pour l’instant encore abstrait et pas particulièrement éprouvant, une fois le choc initial absorbé. Il y aura certainement des ajustements à faire dans notre vie familiale. Il y aura peut-être des épreuves — plus ou moins difficiles, plus ou moins complexes, plus ou moins longues. Je ne suis pas protégée de réelles épreuves à venir — d’autres deuils déchirants, d’autres traumatismes impossibles à prévoir. Mais pour l’instant, ce terme ne colle pas à la réalité, à ma réalité.
Pour l’instant, on attend un bébé dont le cœur semble en pleine forme et qui grandit comme prévu. Un bébé que je rêve de coller, avec qui j’ai hâte de faire des promenades automnales.
J’avoue que je vis la grossesse comme un passage obligé. Je ne parviens pas — pour l’instant du moins — à voir la césarienne autrement que comme un moment difficile, éprouvant. Mais je vois l’arrivée de bébé d’été elle-même comme un bonheur à vivre, pas comme une épreuve.