l’eau et les couleurs

Lundi.

Je n’ai pas envie de reprendre le travail. Les deux jours d’arrêt ont passé trop vite, j’ai eu trop peu de temps pour Paul. La fin de semaine a déboulé, m’a chamboulée. J’ai été distraite par du beau et du déchirant. Et puis, évidemment, il n’y a pas eu de cris affamés ni de pleurs fatigués pour me rappeler à l’ordre.

Être la maman d’un bébé qui n’est plus là, c’est aussi ça… Mon emploi du temps m’appartient. Pas de tétées ni de couches ni quoi que ce soit que font les bébés de presque huit mois mais que je ne connais pas. J’ai le loisir de me consacrer au rôle de mère de mon enfant selon l’horaire qui me convient.

Pourtant, quand les événements ne me permettent pas de prendre du temps pour penser à Paul, pour lui écrire, pour prendre soin de son souvenir, je le sens intensément, physiquement et émotivement. Je sens mon esprit se rebeller, me rappeler à l’ordre. Je peine à me concentrer sur quoi que ce soit tant que je n’aurai pas accordé d’attention à ce devoir de mémoire prioritaire. Je me sens épuisée, grugée, comme si le deuil exigeait mon attention même (surtout?) quand je ne me consacre pas suffisamment à lui.

étoiles_Fotor_CollageDepuis quelques jours, j’ai plus de difficulté à utiliser l’écriture pour me rapprocher de Paul. Les mots sont moins fluides, ils restent coincés quelque part entre ma tête et mes doigts mes doigts. C’est peut-être le retour au travail, après les semaines de congé tellement appréciées, qui rend plus difficile le fait de me concentrer devant un écran d’ordinateur pendant quelques heures supplémentaires. J’ai commencé à essayer de faire de l’aquarelle. Mélanger les couleurs sur du papier me donne l’occasion de penser à Paul d’une façon moins structurée. Mon esprit s’évade, se dilue dans l’eau colorée et dans les taches qui se forment sur la page.

J’ai passé du temps à écrire les prénoms d’autres bébés qui ne sont plus avec l’aide des tubes de peinture raidis prêtés par A. Comme dans le fait de lire les histoires d’autres parents qui ont perdu leur bébé, je trouve du calme et du soulagement dans cette activité. Les prénoms tracés doucement sur le papier gorgé d’eau, comme les drapeaux et les carrés de tricot, me permettent de me sentir un peu moins seule. Et d’imaginer Paul, lui aussi, bien entouré.

5 réflexions au sujet de « l’eau et les couleurs »

  1. Quand je n’arrive plus à écrire, je dessine aussi, pour diluer la peine, pour me connecter avec lui, avec moi aussi sûrement, comme pour retrouver un semblant de « communication » avec mon fils et les éléments qui entourent nos bébés voyageurs…Les couleurs de tes aquarelles sont très belles. Bises.

    • les bébés voyageurs… quelle belle image.
      Ça me fait du bien d’imaginer Paul confortable et heureux. Portés par ces trois petits mots, je l’entrevois qui suit ses copains et copines dans des aventures… merci. xx

  2. I agree that the grief inside of us rebels when not attended to. It is the precise reason that I often turn down opportunities to « have fun ». I know that there will be a high price to pay afterward – in terms of grief overload, lack of expression, guilt.

    I love your beautiful water colorings. I have experienced that fatigue in grief writing too. That is a brilliant idea.

    Love to you and P and Paul.

    • Thank you Gretchen. It has been a good outlet in the last few days. If you want, i can add your sons to the small but growing collection of colorful names…
      I think of them often. xo

      • That would be lovely, but please only do it if you are already planning on getting the supplies out anyway. Benjamin is B.W.,…. but I think you already knew that. I’m always interested to see how people make their « Z », now that we have a son with a name starting with a Z.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s