mon petit Paul,
ça se passe au milieu de la nuit…
Je suis éveillée depuis plusieurs heures. Je tourne et me retourne, incapable de trouver le sommeil. Pour éviter de réveiller ton papa, je change de pièce. Je vais dans ta chambre, celle que tu n’as jamais utilisée, celle qui ne te servira jamais. Celle que j’appelle toujours la chambre de Paul.
Je m’installe dans le grand lit qui a remplacé l’espace que tu aurais dû occuper, sous le mur aux motifs d’arbres géométriques qui devait t’accueillir. On l’a peint il y a tout juste un an, A. et moi. Déjà, je t’imaginais comme une petite bête des bois. D’où les arbres, les renards, les hérissons, et les hiboux qui peuplaient mon esprit alors. C’est plus tard seulement que tu es devenu notre petit marcassin. J’avais hâte que tu grandisses dans cette chambre. J’avais hâte de l’adapter à tes besoins évoluant au fil du temps.
Je sais que tes choses sont là, derrière la porte de la garde-robe. Les petits vêtements triés et pliés, les jouets inutilisés. La veilleuse qui t’a été offerte, un petit dragon rouge, trône sur la table de nuit. C’est ta chambre. Je continue de l’appeler la chambre de Paul, peu importe qui dort dedans.
Tu n’as jamais dormi dans cette chambre, pourtant j’y ressens ton absence si intensément. Je me souviens des moments, au milieu de la nuit, où je t’emmenais tout doucement ici, où je te déposais sur la table à langer pour te changer avant de te remettre au lit à nos côtés. Tout doucement pour ne pas te réveiller. Ni ton père, idéalement. Même s’il me répétait constamment qu’il pouvait très bien se lever pour s’occuper de toi. « À quoi bon se réveiller tous les deux? » je répondais. Et puis, j’aimais bien – la plupart du temps du moins – nos moments de solitude nocturne.
Il y a quelque temps, j’ai eu l’impression de t’avoir perdu à nouveau. En plus de ton départ réel, je me heurtais à mon incapacité de vraiment me rappeler. Me rappeler ce que tu avais été. L’importance immense de ta présence dans ma vie. La douleur sans nom d’avoir dû te laisser partir. C’est comme si c’était devenu trop habituel. Mais depuis quelques jours, et cette nuit particulièrement, dans la pénombre et la solitude de ta chambre, ça m’est revenu. Le souvenir aigu de ton poids sur moi, la sensation de ton corps chaud, un tout petit peu humide contre ma peau, tes lèvres entrouvertes, ton expression béate pendant le sommeil. Les mots traduisent mal la vivacité du souvenir. Ils le font pâlir. Ils ne peuvent exprimer pleinement la douleur de te savoir parti. Pour toujours. La dureté et la violence de cette permanence. Ton absence immuable.
Avant de me coucher, j’ai sorti un des petits cahiers que nous avons fait pour toi après ton départ, pour l’envoyer à une maman qui a aussi perdu son bébé d’hiver. C’est peut-être le fait de lire ces mots des premiers jours qui m’a ramené à l’intensité de mes sentiments du début, qui m’a replongée dans le vif de ton absence…
tu seras avec nous pour toujours.
Tu me manques tellement.
Tu me manque encore. Toujours.
Je t’aime mon petit marcassin.
Paul’s room, triggers in the night. The broken rhythms of mothering him. The rare vivid memories when the senses remember, really remember, the way he felt.
The pain of losing Paul, all of this and your future together – no, there are absolutely no adequate words to fully express the pain. I’m so sorry about these brutal hours. It still doesn’t seem acceptable.
I often have difficulty sleeping too. For me, it is never easy to return to sleep, once I’m awakened, because my thoughts start in on Zachary.
It both saddens me and reassures me to know that you understand what i am referring to despite the limits of trying to put words on these intense and incomprehensible feelings. xx