mon tout petit Paul,
Pendant tes derniers moments, dans cette salle d’hôpital — on ne peut vraiment pas parler d’une chambre — je t’ai fait tellement de promesses. Je t’ai juré de ne jamais t’oublier, et de t’aimer jusqu’à la fin de ma vie. Chaque jour, je tiens et je trahis ces promesses simultanément.
Quand je t’ai dit tout ça, au creux de l’oreille même si je savais que tu ne m’entendais déjà plus, j’avais un doute sérieux sur ma capacité à survivre sans toi. Je croyais que je passerais le restant de mes jours plongée dans le désespoir qui m’habitait alors. Dans ce désespoir, il n’y avait que toi. Mon amour pour toi y occupait tout l’espace. La douleur de te perdre débordait de moi par mes larmes, par mon lait, par mon sang. Ce manque physique de ton absence a duré, mais pas aussi longtemps que j’aurais cru. À mesure que mon corps s’est préparé à accueillir un autre être, qui est devenu ton petit frère, les plaies béantes de ton absence ont commencé à cicatriser.
En ce moment, ce petit frère est affalé sur moi, endormi, pesant sur mon corps, ma joue posée sur sa tête toute chaude, la sienne appuyée sur ma clavicule, me confirmant à chaque respiration que c’est ainsi qu’il dort le mieux, malgré la moiteur de cet après-midi de septembre chaud. C’est dans cette proximité physique que nous développons les liens entre nous, que je le découvre et le redécouvre. Privée de cette dimension physique dans notre relation, sans tes pleurs, ta faim, sans les nuits entrecoupées, le manque de sommeil et les câlins, je peine parfois à t’accorder toute mon attention.
C’est pour ça que je te dis qu’aujourd’hui, je fais deux constats contradictoires. À la fois je peux affirmer que je t’aime toujours autant et que je ne t’oublie pas. Et du même souffle je dois admettre que la relation que j’entretiens avec ton souvenir n’a rien à voir avec les émotions étouffantes que je vivais pendant mes dernières heures à tes côtés, et que croyais ressentir toujours — ou longtemps au moins.
Je croyais que mon amour pour toi serait à jamais intimement lié à la souffrance, et que me souvenir de toi prendrait forcément la forme de gestes extravagants. Mais ces jours-ci, la douleur n’est plus celle d’un couteau dans la gorge. Plutôt celle d’un petit caillou dans ma chaussure ou d’un muscle étiré — une douleur familière qui ne m’empêche plus de fonctionner. Je t’aime doucement. Je me souviens de toi dans les petites instances du quotidien. Je regarde les photos de toi, parfois je m’arrête devant ton visage encadré pour te dire quelques mots. J’écris ton prénom dans la buée de la porte de la douche. J’offre les petits pyjamas de polar qui t’ont tenu au chaud pour qu’ils entourent un autre petit. J’essaie de ne pas me défiler et de toujours répondre que non, Aimé n’est pas mon premier bébé. J’essaie de te faire vivre à mes côtés.
Tu es partout autour de moi mais tu te fais discret. Et moi aussi j’imagine.
Mais je ne t’oublie pas.
Je t’aime mon petit marcassin. xxx
grad petit Paul…
Je n’aurais pas pu le dire aussi bien. Mais je ressens la même chose que toi depuis un petit bout de temps, et ce malgré l’absence de nouveau bébé dans ma vie. Mais j’ai ma grande fille qui fait un peu la même chose.
Paradoxalement, c’est pas évident. Mais je suis contente de savoir que ta grande t’apporte du réconfort dans tout ça…
I squeeze out conditioner in the shape of a « Z », into my hand, every time I wash my hair. I wish I could say the stabbing pain has softened (at least at times) for me. It did in the years after B.W. died – the daily physical experience of living life with C.T. indeed helped with that. Not now, after Zachary. Not…. yet… which I suppose is more of a question to the universe than a statement.
Paul and Aime are so fortunate to have you as their mother.
I hope that eventually your pain will become more bearable but I can imagine how much more your world has been shattered after the death of Zachary, how deep the scars must be.
Thinking of you and him. Xo
Il y a longtemps que je ne t’avais lu et je suis très émue…
Que de chemin parcouru, je suis heureuse de te sentir un peu plus apaisée.
Je trouve tellement beau le lien que tu tisses entre Aimé et Paul et que chacun ait sa propre place dans ton cœur.
Merci beaucoup Artemise. J’ai l’impression que le chemin est long mais j’imagine que tu as raison, il y en a un bon bout de fait…