état critique

Il y a tout juste quatre ans — il y a déjà, incroyablement, quatre ans — je sortais me promener avec mon bébé dans le froid de janvier. C’était l’une des premières journées de travail de P., après ces semaines passées au chaud avec notre bébé. Il y a quatre ans, à l’entrée d’une pharmacie, Paul se mettait à pleurer et moi, par peur de déranger ou peut-être pour me prouver que je saurais conjuguer la maternité à tous mes autres projets, je prenais une décision que je regretterai toujours. Au lieu de trouver une chaise et de m’arrêter pour allaiter, j’ai replacé Paul dans le porte-bébé et je l’ai allaité debout, près du comptoir postal.

Il y a quatre ans, Paul arrêtait de respirer. Il y a quatre ans, tout le doux, le simple, le beau nous était arraché. Il y a quatre ans, la panique, le 9-1-1, le cache-couche et la salopette découpés, les tentatives de réanimation, les questions si brusques, l’ambulance, P. qui m’attend à l’hôpital, la salle sans fenêtre ni bonne nouvelle, les policiers qui nous suivent de trop près. Il y a quatre ans, la salle où trop d’adultes trop grands se penchent sur mon tout petit bébé pour le ramener à la vie. Les genoux qui lâchent, la désorientation, la phrase que je ne peux m’empêcher de répéter. Qu’est-ce qu’on va faire?

Il y a quatre ans, le transfert vers un autre hôpital, Paul en ambulance, P. et moi à l’arrière d’une auto-patrouille, les gyrophares allumés. Les couloirs beige de l’hôpital. L’attente interminable. Puis ces mots. État critique mais stable.

Pendant deux jours, tant bien que mal, nous allons nous accrocher au stable.
Stable — il y a de l’espoir, non?
Et critique, ça veut dire quoi exactement?

Pendant deux jours, malgré les nouvelles peu encourageantes, nous allons nous agripper à cet espoir ténu. Qu’aurions-nous pu faire d’autre? Je ne sais pas si la situation était réellement aussi confuse pour les médecins qui ont tenté de sauver Paul et de comprendre ce qui lui était arrivé que ce que nous saisissions de leurs mises à jour de la situation. Peut-être que non. Peut-être que je ne voulais pas saisir. Pas tout en même temps.

Je me suis accrochée à l’espoir jusqu’au vendredi soir. Jusqu’à cette rencontre où on nous a demandé de prendre une décision. Jusqu’à cette première sortie de l’hôpital, dans le froid, pour parler avec P. Jusqu’à ce que nous décidions de ne pas nous acharner, de laisser Paul partir.

Jusqu’à ce que le critique prenne le pas sur le stable.

Jeudi, ça fera quatre ans. Déjà, incroyablement, quatre ans sans Paul.

trust

je t’aime, mon bébé.

4 réflexions au sujet de « état critique »

  1. L’horrible réalité qui ne s´effacera jamais. Je vous souhaite tellement de trouver un peu de paix. Une petite etoile filante a passée. ❤️❤️❤️

  2. I’m so very sorry. Still, again. I think we all cling to hope as long as we possibly can. I remember the head of maternal-fetal medicine telling us how small the chances were of even one twin surviving. 5%, maybe? We were nowhere near ready to let them go.
    Sending much love.

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