Un coin de rue. Une connaissance. Je fais un signe de la main sans vraiment ralentir.
Elle pointe mon ventre : « Oh, tu en attends un deuxième? »
Ça me rentre dedans. Comme toujours quand l’existence de Paul est réduite à néant par un commentaire inconscient. Je n’ai pas le courage de rectifier les faits. J’offre un vague grognement comme réponse en tentant de me convaincre que cette personne n’a tout simplement pas eu connaissance de la naissance et de la mort de Paul.
C’est aussi souvent ma façon de faire quand ce genre de commentaire est fait par quelqu’un que je connais depuis peu. Je n’ai pas envie de partager avec n’importe qui l’existence précieuse de Paul. Je partage son histoire avec plus de parcimonie qu’il y a quelques années.
En ce moment, ce choix sert aussi à protéger le peu d’énergie que j’ai. La grossesse me gruge physiquement et mentalement. Je me sens constamment à bout.
Spread too thin.
Je suis fatiguée d’être fatiguée d’être fatiguée.
Je conserve mes forces. Et puis, dans une certaine mesure, je me suis habituée à ce genre de commentaire qui, je sais, est fait sans mauvaise intention.
Je me fais croire que je suis habituée.
Pourtant, hier matin, en ouvrant une carte d’anniversaire arrivée un peu d’avance par la poste, je me sens sciée par la référence à mon « deuxième bébé » qui arrivera cet été. Venant d’une personne proche, d’une personne qui ne peut ignorer l’existence de Paul, je n’arrive plus à rationaliser. À me raisonner.
Les mots me rentrent dedans. Une claque. Une collision frontale.
J’abandonne ma lecture. Le reste de la lettre traine sur le comptoir. Je n’ai pas déplié la page, je n’ai pas eu le courage de lire la suite.
J’appréhende le prochain coup de téléphone de cette personne. Je me demande si je laisse aller ou si je tente d’expliquer la violence de ces quelques mots. Je suis fatiguée mais j’ai peur de laisser la fatigue prendre le pas sur le vrai, sur le bon, sur le souvenir de mon bébé.
Ce post m’a beaucoup touché. Comme toujours, c’est à nous parents endeuillés de devoir assumer et comprendre la maladresse des autres… Je vous envoie un paquet d’amour: à Paul, parti trop tôt, à Aimé, à vous, parents, ainsi qu’au nouveau bébé qui grandit en vous, déjà si spécial.
Merci pour votre message. Ça me fait du bien de vous lire.
Bonjour Typhaine
Comme c est violent ! Un petit mot de remerciements à cette personne où tu soulignes que c est bien ton troisième enfant que tu attends pourrait il être une solution ? Parfois nos proches nous blessent en voulant nous épargner !
Sending some love your way, Typhaine. Some days it’s too much to be strong and understanding of others’ inability to ‘get it.’ Some days all there is is tired. Paul is loved and missed. Your first little baby, little son.