« J’ai fini ton livre hier! » me lance une fille du gym où je m’entraine alors que je sors du vestiaire. Elle m’avait dit qu’elle était en train de le lire, mais je suis toujours un peu étonnée quand on me parle de mon livre, quand on me raconte l’effet qu’a eu l’histoire de Paul. Je ne sais jamais trop quoi répondre. Le coach, juste à côté de nous, se joint à la conversation et demande de quel genre de livre on parle.
« Un récit… sur le deuil périnatal »
« Ah! Intéressant! Ben… peut-être pas pour moi… »
Parce que j’ai toujours de la difficulté à parler de mon livre sans justifier que c’est une histoire triste, sans dire que ce n’est vraiment pas pour tout le monde, sur le coup, je n’ai pas su articuler pourquoi je pense que ce genre de récit peut être utile pour les gens qui n’ont pas vécu de deuil périnatal.
Pourtant, je crois profondément à l’importance de lire ou d’écouter des expériences que l’on ne connait pas, que l’on ne connaitra possiblement jamais. C’est une manière de comprendre la réalité des autres, de développer notre empathie, d’élargir notre champ de vision sur le monde. Ça nous permet d’apprivoiser l’idée que les épreuves que l’on appréhende n’arrivent pas qu’aux autres. Très concrètement, ça peut aussi être une opportunité pour réfléchir à la manière dont on agirait si on était confronté·e à la même situation ou si une personne proche l’était. Autrement dit, ça nous permet de nous sensibiliser.
Le 15 octobre, c’est la Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal. Au fil des ans, j’ai écrit et décrit le deuil périnatal sous différents angles, et aujourd’hui, je suis retombée sur cette partie d’un texte écrit il y a huit ans. Avec ces années de recul, il me semble encore important d’aborder la question du deuil périnatal (et du deuil en général) non seulement comme un événement qui pourrait nous arriver, mais aussi comme quelque chose qui risque de chambouler l’existence de gens qu’on aime, éventuellement. Alors je re-publie cette petite liste, bien incomplète, mais qui fait encore écho en moi.
…
En avril dernier, on a rencontré le médecin de Paul pour recevoir les résultats d’autopsie. Le médecin avait libéré une plage de temps importante pour nous, prenant le temps de nous demander comment nous nous en sortions. Il nous a demandé si nous avions reçu du support, faisant référence à toutes les personnes qui avaient monté la garde à la porte des soins intensifs le jour du décès de Paul. Tout en reconnaissant que le deuil était vraiment difficile, je lui ai répondu que nous pourrions probablement écrire la liste des choses à faire pour supporter des proches dans le deuil tant nous avions été choyé-e-s et bien entouré-e-s.
Même si aucune liste ne répondra aux besoins de tout le monde, vu l’immense complexité du deuil et les multiples façons de le vivre, je partage ici quelques unes des manières dont on nous a offert du soutien dans les jours, les semaines et les mois suivant le décès de Paul.
- Les courriels et les lettres. Certains messages que nous avons reçu sont peut-être restés sans réponse mais tous ont été lus, relus, et immensément appréciés. J’ai apprécié recevoir ces témoignages écrits plutôt que des appels à un moment où je n’avais pas de mot pour exprimer ma peine, et pas l’énergie de répondre à qui que ce soit. Mention spéciale pour les dessins et messages d’enfants.
- La présence en personne. Nos familles et ami-e-s se sont relayés à nos côtés à l’hôpital, à notre sortie, à notre retour à la maison… Je ne supportais pas d’être seule mais je n’avais pas forcément envie de faire la conversation non plus, j’avais envie de pouvoir pleurer au milieu des conversations, de rire parfois, de parler de Paul, de me répéter, encore et encore, ou de parler d’autres choses complètement — des besoins contradictoires qui ont été entendus. Et que dire de la présence de toutes les personnes qui se sont déplacées pour la cérémonie pour Paul? Huit mois plus tard, dans les moments de solitude, je m’accroche encore à l’image de la salle trop petite pour contenir tous ces gens présents pour honorer la vie et la mort de Paul.
- La nourriture. Dès les journées passées à l’hôpital, plusieurs personnes ont commencé à nous apporter de la nourriture. Nous étions incapables de manger mais le geste, l’offrande de ces repas nous touchait quand même. Puis, quand le quotidien s’est réinstallé dans nos vies, la nourriture congelée offerte pas plusieurs personnes nous a permis de penser à une chose de moins, et de sentir leur présence avec nous pendant plusieurs semaines.
- Les initiatives discrètes, les propositions concrètes. J’en parlais dans mon dernier billet, les personnes qui me connaissent bien sont allées au devant de besoins que je n’arrivais pas à exprimer. Je n’étais pas toujours capable de déléguer alors un simple « dis-moi ce que je peux faire pour toi », malgré toute la bonne volonté qui l’animait, ne suffisait pas. J’ai vraiment apprécié me faire proposer des choses concrètes : ranger la chambre de Paul, visiter des lieux pour la cérémonie, aller prendre une marche, là maintenant, me prêter des vêtements avant même que je me rende compte que je n’avais rien de propre pour les funérailles, etc.
- Le soutien après l’orage initial. Outre l’équipe-choc qui s’est constitué pour nous accompagner au plus fort de la tempête, le soutien offert sur le long terme est immensément apprécié. Chaque fois que quelqu’un-e me parle de Paul, valide son importance dans nos vies, ou vérifie comment ça va après tous ces mois, je réalise à quel point je suis bien entourée.
- Le souvenir. J’ai apprécié d’entendre, au tout début « on n’oubliera pas Paul ». Ce qui me bouleverse complètement, c’est toutes les personnes qui posent des gestes concrets ou symboliques (comme ça, et ça) pour nous montrer qu’elles se souviennent.
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mon bébé, les photos de toi m’émeuvent toujours autant. je t’aime plus que tout. x
Allô Typhaine, Je viens de lire un livre suggéré à la bibliothèque dans les nouveautés: « Annie au milieu », d’Émilie Chazerand. Ç’est l’ histoire non d’une personne mais d’une famille. Elle continue de me trotter dans la tête. Parce que j’ai été aussi l’enfant du milieu, qui avait des besoins spéciaux. Cela a teinté les relations dans toute la famille. Et puis il y a Matthias et son trajet parmi nous. Je pense à toi dans l’automne. Geneviève
Merci pour cette suggestion de lecture, ça m’intrigue!
Je t’en donnerai des nouvelles. au plaisir, Geneviève!