day 9 — in memory
Dès les premiers jours du deuil, j’ai senti le besoin de marquer la présence de Paul dans ma vie sur mon corps. À l’hôpital une infirmière avait dessiné des petits X à l’intérieur des chevilles de Paul pour pouvoir prendre son pouls toujours au même endroit. Le dernier jour, alors qu’on se préparait à dire aurevoir pour la dernière fois, je me suis dit que j’allais immortaliser ces marques sur mon corps. Deux semaines plus tard, au lendemain de la cérémonie pour Paul, je me suis fait tatouer les petits X, signe de la vie dans les pieds de mon bébé, signe de son passage, stigmate de l’absence trop immense. La douleur physique très temporaire, un instant en adéquation avec ma peine.
Je chéris les petits X mais j’ai vite senti qu’ils ne me suffisaient pas. Cet été, j’ai décidé de joindre un projet de tatouage pour mon père et pour mon fils, en me faisant tatouer un petit marcassin en plein vol sur le dos d’une chouette lapone…
Deux animaux de ma mythologie personnelle, ensemble pour se tenir compagnie dans le ciel étoilé. Les étoiles, que j’imagine brodées sur ma peau rejoignent le tatouage vieux de quelques années qui commémore la vie de ma mère.
(tatouage par F is the Key)
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day 10 — support
En avril dernier, on a rencontré le médecin de Paul pour recevoir les résultats d’autopsie. Le médecin avait libéré une plage de temps importante pour nous, prenant le temps de nous demander comment nous nous en sortions. Il nous a demandé si nous avions reçu du support, faisant référence à toutes les personnes qui avaient monté la garde à la porte des soins intensifs le jour du décès de Paul. Tout en reconnaissant que le deuil était vraiment difficile, je lui ai répondu que nous pourrions probablement écrire la liste des choses à faire pour supporter des proches dans le deuil tant nous avions été choyé-e-s et bien entouré-e-s.
Même si aucune liste ne répondra aux besoins de tout le monde, vu l’immense complexité du deuil et les multiples façons de le vivre, je partage ici quelques unes des manières dont on nous a offert du soutien dans les jours, les semaines et les mois suivant le décès de Paul.
- Les courriels et les lettres. Certains messages que nous avons reçu sont peut-être restés sans réponse mais tous ont été lus, relus, et immensément appréciés. J’ai apprécié recevoir ces témoignages écrits plutôt que des appels à un moment où je n’avais pas de mot pour exprimer ma peine, et pas l’énergie de répondre à qui que ce soit. Mention spéciale pour les dessins et messages d’enfants.
- La présence en personne. Nos familles et ami-e-s se sont relayés à nos côtés à l’hôpital, à notre sortie, à notre retour à la maison… Je ne supportais pas d’être seule mais je n’avais pas forcément envie de faire la conversation non plus, j’avais envie de pouvoir pleurer au milieu des conversations, de rire parfois, de parler de Paul, de me répéter, encore et encore, ou de parler d’autres choses complètement — des besoins contradictoires qui ont été entendus. Et que dire de la présence de toutes les personnes qui se sont déplacées pour la cérémonie pour Paul? Huit mois plus tard, dans les moments de solitude, je m’accroche encore à l’image de la salle trop petite pour contenir tous ces gens présents pour honorer la vie et la mort de Paul.
- La nourriture. Dès les journées passées à l’hôpital, plusieurs personnes ont commencé à nous apporter de la nourriture. Nous étions incapables de manger mais le geste, l’offrande de ces repas nous touchait quand même. Puis, quand le quotidien s’est réinstallé dans nos vies, la nourriture congelée offerte pas plusieurs personnes nous a permis de penser à une chose de moins, et de sentir leur présence avec nous pendant plusieurs semaines.
- Les initiatives discrètes, les propositions concrètes. J’en parlais dans mon dernier billet, les personnes qui me connaissent bien sont allées au devant de besoins que je n’arrivais pas à exprimer. Je n’étais pas toujours capable de déléguer alors un simple « dis-moi ce que je peux faire pour toi », malgré toute la bonne volonté qui l’animait, ne suffisait pas. J’ai vraiment apprécié me faire proposer des choses concrètes : ranger la chambre de Paul, visiter des lieux pour la cérémonie, aller prendre une marche, là maintenant, me prêter des vêtements avant même que je me rende compte que je n’avais rien de propre pour les funérailles, etc.
- Le soutien après l’orage initial. Outre l’équipe-choc qui s’est constitué pour nous accompagner au plus fort de la tempête, le soutien offert sur le long terme est immensément apprécié. Chaque fois que quelqu’un-e me parle de Paul, valide son importance dans nos vies, ou vérifie comment ça va après tous ces mois, je réalise à quel point je suis bien entourée.
- Le souvenir. J’ai apprécié d’entendre, au tout début « on n’oubliera pas Paul ». Ce qui me bouleverse complètement, c’est toutes les personnes qui posent des gestes concrets ou symboliques (comme ça, et ça) pour nous montrer qu’elles se souviennent.
merci d’être là, tous et toutes autant que vous êtes. xx
* Pour plus de détails sur le projet Capture Your Grief, c’est par ici.
Ton tatouage est plus que magnifique, autant l’oeuvre que toute la symbolique qui s’y rattache.
C’est vraiment touchant tout le support que vous avez reçu. Vous êtes chanceux d’être si bien entouré.
C’est une excellente idée, cette liste! Et ton tatouage, il est si beau…
merci, petitesvagues!
Your tattoos are absolutely beautiful. The stars and the blue sky add something so unique and special – it almost brings the animals to life.
I am glad you have been well supported in the months since Paul’s death. I know that each and every remembrance, each demonstration of love (for you and Paul) means so much.
Ping : les petits gestes qui comptent | le marcassin envolé