mon petit tout,
Il y a longtemps que je ne t’ai pas écrit à toi directement.
Quand j’écris aux autres, quand je parle de toi à la troisième personne, j’espère que tu sais que tu reste mon interlocuteur privilégié.
J’essaie de réfléchir, de fonctionner. Parfois j’y arrive, même si tu sais, tu as toujours ta place dans mon esprit. Je t’imagine comme un petit animal dans cet espace inventé qu’occupent mes pensées. Mon minuscule monde des idées personnel.
Au début, quand tu venais de partir, la douleur était impossible. Je n’arrivais tellement pas à y croire, je ne pouvais pas me faire à l’idée que n’étais plus là, avec nous. Si j’avais pu t’imaginer à ce moment-là, si j’avais eu l’énergie nécessaire pour le faire, je n’aurais pas pu t’épargner la douleur qui m’avait submergée. Tu aurais été un petit animal pris au piège, brisant ses ongles sur le sol gelé pour essayer de se libérer. Les seuls sons que j’aurais pu imaginer sortir de ta gorge sont ceux qui étaient coincés au travers de la mienne. Les feulements d’un animal trappé, désorienté.
Avec le temps, j’ai pu redessiner l’environnement dans lequel je t’imagine. Je te vois dans la forêt, courant au travers des taches de lumière créées par l’ombre toujours mobile des feuilles. J’entends leur bruissement qui t’entoure, et celui, délicat, d’une source qui s’écoule. J’essaie de faire la paix avec toute cette vie qui t’entoure, et qui m’entoure aussi, inévitablement. Je te voyais toi comme un concentré de vie. De la mienne et de celle de ton père, certes, mais aussi des autres avant nous. Je ne te voyais pas comme la feuille ou bout d’une branche d’arbre généalogique, mais plutôt comme son centre, un tronc élancé vers nous toutes et tous, une raison pour notre existence.
C’est peut-être dû au changement de saison, certainement aussi à des changements dans mon état d’esprit. Maintenant, je veux croire à l’idée que tu es bien. Je n’arrive pas à me résoudre à t’abandonner au néant. C’est trop étourdissant encore, de penser que tu es nulle part, que tu n’es plus.
Alors je continue d’imaginer ta tanière dans mon esprit. Par moments, tu te loves dans un coin, tu fais ton nid. Je fais la paix, un petit peu, avec cette idée de repos éternel, même si je n’y crois pas vraiment. Je trouve que l’imagerie catholique, chrétienne qui entoure la mort — celle dans laquelle je baigne, un peu, malgré moi — est tellement codifiée qu’elle en est fausse et mésadaptée. Elle ne me convient pas. Mais dans les termes qui se sont rigidifiés avec le temps, je perçois par moments un fond de ce qui explique probablement leur longévité. J’arrive à voir ce qui a pu apporter du réconfort à des générations faisant face à la mort. Évidemment, j’espère que tu te reposes. Que tu reposes en paix. Au sens vrai de ces termes.
J’espère que tu te reposes, mon petit marcassin.
Moi, j’essaie de faire face et de prendre le repos qu’il me faut.
je t’aime.
image : esquisse pour un tatouage par F is the Key
A beautifully heartfelt letter to Paul. Your vivid description of the end with Paul, and the immediate aftermath of his death, leaves me drowning with you. I know that agony that no one should be permitted to know. I am so sorry you know.
I admire how you’ve reimagined Paul – well, whole, alive and at peace. Nothingness and only gone-ness… well, it just cannot be. Although I’m struggling with my faith, in many ways, in the wake of Zachary’s death, I do believe my boys are in heaven.
I love the tattoo, if that is the image attached to this post… stunning, really.
Thank you so much Gretchen, for your responses. It feels like a presence alongside me in processing this grief. I am keeping you and your boys in my thoughts.
(and yes, it is the sketch for the central part of my tattoo… i am really happy with the way it turned out).