Moi qui traîne une fatigue lourde depuis des semaines, qui passe des heures chaque jour à penser à dormir, moi qui dors parfois trois heures au milieu de la journée simplement parce que je peux, je ne dors pas. À cette heure nocturne qui n’attend que ça de moi, je ne dors pas. J’essaie de me détendre en écoutant un podcast – Strangers. Évidemment, je tombe sur un épisode qui me renvoie à mes angoisses actuelles.
L’histoire d’un homme qui a perdu sa mère, puis son frère, puis son père en moins d’une dizaine d’années quand il était jeune. Il raconte son parcours, parle de sa tendance à s’accrocher au passé, au « bon vieux temps » où sa famille était encore un tout cohérent. Plus de cinquante ans après ces décès de ses proches, il se demande si on connait vraiment les gens que l’on perd… L’idée qu’on s’en fait n’est-elle pas plutôt un portrait que l’on remodèle encore et encore en fonction de qui l’on est, de qui l’on devient?
Je suis en France, en visite dans ma famille depuis une semaine. J’ai passé du temps à tenter de répondre à certaines questions sur ma mère, sa relation avec mon père, ses liens avec sa famille, ses expériences avec ses ami-e-s. J’ai soif d’entendre ces anecdotes qui me la font (re)découvrir, mais toutes les nouvelles informations, toutes les histoires qui dévoilent un pan de celle qu’elle a été sont aussi teintées de la peine que j’ai de ne pas connaître ma propre mère, ou si peu.
J’explore ces sentiments ambivalents à un rythme lent, pour qu’il reste soutenable. Parce que l’inévitable conclusion que j’en tire, c’est que je ne connais pas non plus mon fils. Mon bébé.
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Je m’habitue doucement à passer du temps en présence d’autres bébés. En fait leur présence à eux et elles est simple. Je n’ai pas perdu mon désir de les cajoler, le plaisir que j’ai à respirer leur odeur, à les voir commencer à découvrir le monde. Mais je dois faire un effort soutenu pour m’habituer aux réactions que suscitent ces bébés sur les adultes qui les entourent. Je dois m’habituer à entendre cet émerveillement dans leur voix, à observer cet amour dans leur yeux, en sachant que Paul ne les recevra jamais (plus).
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Aujourd’hui, point tournant imaginaire dans cette nouvelle grossesse. La moitié de fait, la moitié à faire.
On a profité d’une escapade bretonne et presque solitaire que nous faisons au milieu de ces vacances parsemées de fonctions familiales pour souligner l’occasion. Avec P. on a marché dans le jour pas encore tout à fait levé pour acheter des croissants pour le petit déj’. On a mangé des galettes bretonnes ce midi, après s’être promenés entre les murs humides et historiques d’une petite cité portuaire. Parce que c’est les vacances et que ça nous a donné l’impression de célébrer un peu avant l’heure.
J’ai allumé une bougie pour Paul. Parce que je veux qu’il fasse partie de tout cela.
Puis, j’ai acheté une toute petite paire de pantalons rouges. Parce que j’ai besoin de m’imaginer que bébé-de-mai les remplira dans quelques mois.
What a beautiful post, Typhaine. I wish not « knowing » our children wasn’t so incredibly painful,…, but I agree it is. If anyone knew Paul, it was you and P. And yet, it is not enough to satiate a parent’s desire to know his/her child. Paul was supposed to grow up before your eyes.
I relate so much to your description of watching the real-time wonder and joy (of caring adults) expressed in reaction to other living children. It’s extremely tough when your child is dead and is no longer the recipient…, had so little time to be the recipient at all.
The candle and the shorts – you mother your children so lovingly. I’m honored to read about it.
Thank you Gretchen. As always, your comment is so thoughtful and sweet (and reminds me of the comment i’ve been meaning to make to respond to your post on Glow which has left me so moved…).
I am thankful to be part of an inspiring community of mothers, including you, who show me ways to keep mothering Paul.
Cette phrase m’a serré le coeur : « Parce que l’inévitable conclusion que j’en tire, c’est que je ne connais pas non plus mon fils. Mon bébé. » Ça doit être difficile d’être prise entre deux deuils de personnes aussi importantes… Surtout à un âge où la plupart des gens n’ont pas tant de deuils de ce type à faire… (Enfin, je ne connais pas ton âge, en fait ce n’est pas important, je sais juste que tu n’as pas 70 ans.)
Et je tiens à dire aussi que le temps des Fêtes, c’est le fun, mais ça remue beaucoup de choses aussi. On a accès aux gens de notre famille, ce qui est autant positif que négatif… On pense à ceux qui nous manquent… Pour ma part, c’est une période que je veux vivre (la plupart des années, mais pas chaque année); toutefois, il faut que je me laisse de l’espace là-dedans aussi, sinon ça peut devenir trop intense. Ça c’est moi, mais je sais que la période des Fêtes peut être difficile pour tout le monde (et elle peut être fantastique aussi! ça dépend des jours et des circonstances).
En effet, c’est une période intense, avec ce que ça comporte de positif et de négatif… Pour moi, c’est aussi un peu plus stressant quand je suis en France. Je vois ce côté-là de la famille beaucoup moins souvent alors j’ai toujours l’impression que les attentes sont plus élevées. Mais bon, il y a aussi des côtés tout à fait positifs (notamment, de voyager, de voir des belles choses, d’avoir la chance de côtoyer des gens que je ne vois pas assez souvent…)
Je te souhaite un temps des fêtes aussi zen que possible alors!
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