Pendant des mois, j’ai écrit à peu près tous les jours. Sur Paul. À Paul. Pour Paul. Je m’installais au clavier, souvent sans avoir trop réfléchi au sens de ce que je voulais dire, encore moins aux mots qui pourraient l’exprimer. Pendant des mois, les mots ont poussé au bout de mes doigts sans que j’ai à y penser. Je me relis de temps en temps et je m’étonne de ce qui m’habitait. Il y a une marge entre me souvenir d’avoir été démolie, et lire mes pensées, telles qu’elles se sont exprimées quotidiennement.
En ce moment, c’est plutôt le contraire. Les mots flottent parfois jusqu’à la surface de mon esprit. Il s’entrelacent pour former l’ébauche d’une idée, un morceau de phrase, une image à peine évoquée. Puis ils voguent, sans moi.
Le quotidien, les projets qui se sont accumulés, et puis les heures passées à transcrire les entrevues que je suis en train de faire pour mon projet de maitrise. Tout ça prend de la place, contient et contraint les idées qui m’habitent, m’empêche de laisser couler les mots. Les mots qui parlent de Paul, qui continuent de dire son absence.
Ou c’est peut-être simplement que j’ai moins à dire, parce que cette absence est toujours là. Toujours trop pareille. Si les premiers mois de deuil ont été ponctués de mauvaises surprises et de descentes toujours plus profond en moi-même, les mois d’en ce moment sont plutôt monotones.
La douleur est apprivoisée. Dressée.
Les jours passent et se ressemblent beaucoup.
Paul me manque encore.
Paul me manque toujours.
Paul m’accompagne.
C’est tellement ça. Merci.
J’en ai les larmes aux yeux. C’est tellement cela…
Yes, exactly, exactly.