Ces temps-ci, j’écoute assidument The Longest Shortest Time, un podcast qui traite de questions entourant la parentalité, la grossesse, l’éducation des enfants, et les défis que tout cela présente. Dans le dernier épisode, une collaboratrice à l’émission, Joanna Solotaroff, discute de son indécision face à la possibilité d’avoir des enfants. Elle souligne à l’animatrice que tant ses frères et sœurs que sa mère sont devenus parents assez tard dans leurs vies. Au cours de l’épisode, elle discute enjeux qu’impliquent cette décision avec sa mère, de qui elle semble très proche.
C’est un épisode intéressant, qui aborde un aspect de la parentalité qui est assez peu discuté dans la sphère publique — moins que les quelques témoignages de personnes qui ne veulent pas d’enfant et beaucoup moins que le point de vue des parents (incluant le discours selon lequel une vie sans enfant est pratiquement vaine). N’ayant pas fait l’expérience d’un tel dilemme par rapport à la possibilité de devenir parent, j’ai apprécié les réflexions de Joanna Solotaroff et d’auditrices qui témoignent de leurs difficultés à faire ce choix lourd de conséquences. Mais surtout, j’ai aimé pouvoir jeter un coup d’œil à travers cette fenêtre donnant sur la relation entre une fille et sa mère.
Je me suis reconnue dans la fascination de Joanna face au parcours et aux choix de sa mère, dans sa façon de se sentir validée par les parallèles qui existent entre leurs existences. Je me sens souvent comme ça quand j’apprends un pan de l’histoire de ma mère ou de ma famille et que je m’y reconnais, ou que j’y trouve une explication plausible à mes propres choix. Ça explique certainement une bonne part de mon insistance à questionner celles et ceux qui ont connu mes parents pour essayer de mieux comprendre leurs vécus. J’aimerais pouvoir poser des questions à ma mère, à mon père, j’aimerais les interroger sur les motivations derrière les décisions qu’illes ont prises, tant en lien avec la création de leur famille qu’avec les autres événements qui ont modelé leur parcours de vie, sans avoir à m’appuyer sur les interprétations des autres.
Ça me fait de la peine de ne pas pouvoir le faire. Plus maintenant qu’il y a quelques années. Par moments, quand cette tristesse nouvelle m’habite, je me demande si c’est à ça que font référence les personnes qui disent que si on ne « fait pas son deuil, il nous rattrape plus tard, » surtout si ou quand une autre perte nous affecte. Je me questionne sur le deuil que j’ai peut-être mal fait, que j’aurais peut-être dû faire plus tôt, plus en profondeur. Parce que c’est certainement vrai que la mort de Paul a fait ressurgir en moi des douleurs enfouies suites aux décès de mes parents.
La mort de mon bébé a ravagé mes plans, a remis en question mes décisions, m’a fait douter de mes projets, du sens que je donnais à ma vie. Devant ces incertitudes dévastatrices, j’aurais aimé pouvoir parler à mes parents, j’aurais voulu comprendre mieux leurs choix, dans l’espoir de guider les miens, peut-être. J’aurais voulu, je voudrais pouvoir mieux comprendre mes décisions, mieux me comprendre, à l’aune de l’expérience de mes parents. Ces questions sont relativement nouvelles pour moi. Elles n’avaient pas encore pris forme il y a dix ans ou quinze ans. Alors forcément, ces morceaux-là de mon deuil — le deuil d’une relation d’adulte à adulte, le deuil de ces conversations que nous n’aurons pas, de ces questions qui resteront sans réponse — ne peuvent pas être déjà résolus.
Ça se passe maintenant, ça se poursuit. Ce n’est pas un deuil mal fait que je ré-ouvre ou qui me rattrape par surprise. C’est un deuil, des deuils qui se poursuivent, qui continuent d’exister, de se dérouler, de s’enrouler de nouveau autour des nouvelles expériences que je vis — et des podcasts que j’écoute, apparemment.
J’en avais déjà parlé, mais personnellement, la venue de ma fille m’a fait revisiter toute ma relation avec mes parents et toute l’image que je m’étais faite d’eux. Ce n’est pas que je les revois si différemment que ça, c’est juste que j’ai l’impression de les voir sous un autre angle. Et je me rends compte aussi à quel point je suis semblable à eux (et même identique, dans certains cas), alors que j’ai construit ma vie fort différemment de la leur (et que je veux être différente d’eux dans pleins de domaines). Je trouve que la parentalité, ça fait se demander « Qu’est-ce que mes parents auraient fait à ma place? » et « Pourquoi mes parents ont fait ceci ou cela? » et se dire « Wow, je n’arrive pas à croire que mes parents ont dû passer par là eux aussi! » (Lunarbaboon l’a bien décrit dans une mini-BD : http://i.huffpost.com/gen/3145632/thumbs/o-CHRIS-GRADY-SHH-COMIC-570.jpg?7). Alors je peux juste IMAGINER ce que ça doit être de passer par ce processus quand tes parents ne sont pas là… J’ai eu des échos d’autres parents qui revisitaient eux aussi leur relation avec leurs parents en début de parentalité. Mais je ne suis pas en train de dire que c’est juste ça pour toi, je crois que tu as fait un excellent travail de réflexion et de débroussaillage! Je voulais juste dire qu’il y a peut-être aussi ce facteur qui s’applique pour toi.
En plus de tout le reste, je veux dire…
J’avais lu ton commentaire l’autre jour et je n’arrivais pas à voir la BD. Je viens de la regarder et j’ai beaucoup aimé. C’est tout à fait ça… Comme si dans ces moments, on se glissait à la fois dans la peau de son enfant ET de ses parents…