ta journée

Mon Paul,

Entre sommeil et éveil, je t’imagine. Je tente de me faire une idée de ce à quoi tu ressemblerais, de ton visage, de la taille que tu aurais aujourd’hui, à la veille de tes quatre ans. J’imagine la fébrilité qui pourrait t’habiter, les demandes spéciales que tu aurais pu nous faire pour marquer ta journée.

Je me force à imaginer ce que signifie cet âge. Quatre ans. J’ai de la difficulté à en prendre la mesure.

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entre-deux

Dans un équilibre précaire

Entre celle qui, après le souper, sort spontanément un album photo. Celle qui en parcours les pages pour montrer à Aimé une photo de ses autres grands-parents, ceux qu’il ne connait pas, ceux dont il n’a pas l’occasion d’apprendre les prénoms.

Entre celle qui lui dit « grand-maman Chris-tine », pour l’entendre dire « maman ‘Tine », comme il dit « maman ‘Nise ». Celle qui a envie de faire du positif, du beau, de transmettre l’amour et l’attention que j’ai reçus.

Et celle qui a envie de gueuler que ça me fait chier.

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il y a trois ans

paul2014

Je prends la mesure du temps qui passe.
Là, tout de suite, en ouvrant mon compte facebook, le site me propose de partager un « souvenir » généré automatiquement. Je sais qu’il y a deux ans, j’aurais trouvé ce rappel cruel. Je sais que l’année dernière, je n’aurais pas osé le partager.

Cette année, je me permet de le faire.
J’hésite encore un peu.
Mais si peu.

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une carte postale

mon Paul,
je t’écris dans le noir du petit matin hivernal, assise dans le salon de ton arrière-grand-mère — une de tes arrière-grand-mères. Depuis notre arrivée en France, nos nuits sont agitées. Ton petit frère peine à s’ajuster aux six heures de décalage horaire qui nous séparent de notre horaire habituel. Il se tourne et se retourne et se réveille et nous réveille. On se lève tard. Les journées sont courtes, trop courtes. Elles passent à toute vitesse.

On vient de descendre de l’avion, il me semble, et pourtant la fin du voyage semble déjà se profiler, dans un après-demain hâtif.

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j’aurais aimé que tu sois là

mon Paul,

Hier on est allé.e.s à l’anniversaire des jumelles.

Je me rappelle leur avoir parlé de toi quand tu n’étais qu’une promesse… Elles avaient si hâte de te rencontrer. Je me rappelle leurs questions, chaque fois que je les voyais. « Est-ce que le bébé est encore dans ton ventre? » Je me rappelle avoir répété « quand ça sera Noël, le bébé va arriver ». (Je voulais croire que tu arriverais quelques jours d’avance!)

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repas imaginaire

Demain, ma mère aurait eu 65 ans. Il me semble que c’est le genre d’anniversaire qu’on doit souligner. À vrai dire, j’aime souligner tous les anniversaires. Quand on peut prendre une journée pour célébrer quelqu’un-e, pourquoi ne pas le faire?

Et 65 ans, ça semble significatif — ça sonne comme un âge de retraite, un âge pour profiter de ses petits-enfants, pour se mettre à genoux sur le plancher et jouer, pour voyager un peu.

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entouré de lumière

As-tu senti toute cette lumière, tout cet amour qui brillait si fort pour ton anniversaire?

Mon Paul, j’aurais tellement aimé que tu sois là pour souligner cette journée. J’aurais aimé te voir souffler maladroitement les deux bougies sur ton gâteau (ou, plus vraisemblablement, te faire chiper ce moment par un cousin ou une amie ayant quelques années d’expérience de plus que toi.) J’aurais aimé entendre tes rires en glissant dans la neige pendant notre balade de l’après-midi. J’aurais aimé voir tes joues rougies par le froid de cette première journée vraiment hivernale.

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deux ans

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Paul. Il aurait dû avoir deux ans.

Depuis samedi, on revit les heures qui ont précédé son arrivée dans le monde.

La naissance de Paul a été longue. La grossesse qui l’a précédée aussi. Même si je n’ai dépassé le terme que de quelques jours, ces jours avaient été tellement inconfortables qu’ils m’avaient semblé interminables. Du 30 décembre, date prévue de mon accouchement, jusqu’au 2 janvier, les minutes s’égrenaient, ma tension montait, physiquement et mentalement.

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anniversaire 

Aujourd’hui c’est l’anniversaire d’un enfant. C’est sûrement l’anniversaire de plein d’enfants en fait. Mais c’est l’anniversaire d’une petite fille en particulier, née un peu plus d’une semaine avant Paul. 

Je savais que tous les deux naîtraient à des dates rapprochées, et se croiseraient chaque année dans les événements familiaux. Peut-être que cette proximité d’âge, fortuite mais pourtant signifiante, aurait fait naître une amitié. Peut-être pas. Mais même si cette proximité affective ne s’était jamais développée, elle et Paul aurait dû grandir en parallèle, célébrant chaque année leur anniversaire à quelques jours d’intervalle, en cette période déjà chargée de fonctions familiales. 

J’aimerais avoir le cœur à célébrer aujourd’hui.  J’aimerais trouver en moi la capacité à me réjouir pour cette enfant qui grandit, qui vit. 

Je ne trouve pas. Pas tout à fait. Pas encore. 

Aujourd’hui, je pense à Paul, à ce qu’il aurait dû être, à ses deux ans que nous devrions nous préparer à célébrer. Je pense à la manière dont nous allons souligner cet anniversaire maintenant si lourd parce qu’il est suivi de si près par l’anniversaire deson décès. 

Je pense aussi à deux autres petits garçons qui partagent un autre type de proximité fortuite avec Paul. Deux autres bébés d’hiver qui auraient dû avoir deux ans. Deux autres petits dont les ailes ont été arrachées avant même qu’ils ne puissent prendre leur envol. 

Aujourd’hui je pense à eux. Je pense à Paul. Ça devra suffire. 

dix-huit mois, encore

Il y a quelque chose de vrai dans les phrases cliché qui me faisaient si mal au début du deuil. Le temps arrange les choses. Ce qui nous tue pas nous rend plus fort-e. Même si ces platitudes si peu réconfortantes m’enrageaient il y a dix-huit mois, je reconnais aujourd’hui, un peu malgré moi, que le temps a en effet arrangé plein de choses. Je ne sais pas si je suis plus forte maintenant mais je crois que j’ai au moins préservé ma capacité à aimer aussi fort qu’avant. Le temps a adouci ma peine.

Paul me manque toujours mais j’arrive à vivre avec son absence assez sereinement, je crois. J’aime parler de lui, j’aime entendre son prénom, même quand c’est parce que quelqu’un se trompe et appelle Aimé par le nom de son grand frère. J’aime ces lapsus qui témoignent du lien entre mes deux fils, malgré la distance qui les sépare. J’aime être entourée de photos de lui pour essayer de pallier à ce fossé entre lui et moi, entre ces semaines si douces du mois de janvier 2014 et cette absence sans cesse renouvelée. Lire la suite