de si petits mots

Un coin de rue. Une connaissance. Je fais un signe de la main sans vraiment ralentir.
Elle pointe mon ventre : « Oh, tu en attends un deuxième? »

Ça me rentre dedans. Comme toujours quand l’existence de Paul est réduite à néant par un commentaire inconscient. Je n’ai pas le courage de rectifier les faits. J’offre un vague grognement comme réponse en tentant de me convaincre que cette personne n’a tout simplement pas eu connaissance de la naissance et de la mort de Paul.

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trop de fatigue

Je suis fatiguée.

Je me couche suffisamment tôt pour me réveiller de bonne heure le matin, mais une heure plus tard, je me recoucherais. Quand je travaille de la maison et que je décide de fermer les yeux quelques minutes, il n’est pas rare que ce moment de repos se transforme en une sieste impromptue de plus d’une heure.

Tout m’épuise. M’essouffle.
Les tâches les plus banales, qu’elles soient ménagères ou professionnelles.
Envoyer des courriels. Faire des appels.
Répondre au téléphone.
M’occuper d’Aimé.
Être enceinte.
Avoir des émotions (souvent incompréhensibles pour moi comme pour les autres).

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une épreuve

Ces jours-ci, ma vie me semble être une longue suite de rendez-vous en lien avec ma grossesse. Un peu plus de rendez-vous de suivis pour bébé-d’été qu’aux grossesses précédentes, mais surtout, plus de rendez-vous pour m’aider à passer à travers les nombreux inconforts que mon corps me fait vivre depuis quelques mois.

Lundi, un rendez-vous avec ma sage-femme. Alors que j’y allais pour un suivi de routine, je me retrouve sans l’avoir prévu à partager mes craintes face à la césarienne que je vivrai très probablement à la fin juillet. À travers les larmes, c’est beaucoup la blessure pas vraiment guérie de mes autres césariennes qui refait surface.

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son frère

** Je publie ce texte non sans avoir hésité et réfléchi à ce que ça implique de partager des bouts de la vie d’Aimé. Il est petit encore pour m’aider à prendre la décision de partager ou non ses pensées, mais je ne prends pas son droit à la vie privée moins au sérieux pour autant. Je publie en sachant que je fais peut-être une erreur que je devrai éventuellement corriger.

L’été dernier, quand Aimé avait deux ans et des poussières, je me demandais si nous devions nous inquiéter du développement de son langage. Patrice avait confiance que tout était normal, j’essayais de me convaincre que chaque enfant développe ses différentes aptitudes à son propre rythme. Je ne m’étais pas inquiétée quand Aimé avait fait différents apprentissages un peu plus tôt que prévu, je tentais donc de relativiser. Pourtant, j’avais de la difficulté à ne pas comparer Aimé à d’autres enfants, j’avais de la difficulté à ne pas m’inquiéter.

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état critique

Il y a tout juste quatre ans — il y a déjà, incroyablement, quatre ans — je sortais me promener avec mon bébé dans le froid de janvier. C’était l’une des premières journées de travail de P., après ces semaines passées au chaud avec notre bébé. Il y a quatre ans, à l’entrée d’une pharmacie, Paul se mettait à pleurer et moi, par peur de déranger ou peut-être pour me prouver que je saurais conjuguer la maternité à tous mes autres projets, je prenais une décision que je regretterai toujours. Au lieu de trouver une chaise et de m’arrêter pour allaiter, j’ai replacé Paul dans le porte-bébé et je l’ai allaité debout, près du comptoir postal.

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un anniversaire

Paul aurait eu quatre ans la semaine dernière. Je l’imagine difficilement.

Pourtant, je suis forcée de mesurer la distance qui me sépare de la naissance de Paul. Plus encore, je constate le chemin parcouru depuis le premier anniversaire de Paul que nous avons dû souligner sans lui. Je me rappelle de l’angoisse à l’approche de ce jour, de mon inquiétude de ne pas réussir à souligner cette journée d’une manière qui rende compte du manque immense qui nous habitait.

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ta journée

Mon Paul,

Entre sommeil et éveil, je t’imagine. Je tente de me faire une idée de ce à quoi tu ressemblerais, de ton visage, de la taille que tu aurais aujourd’hui, à la veille de tes quatre ans. J’imagine la fébrilité qui pourrait t’habiter, les demandes spéciales que tu aurais pu nous faire pour marquer ta journée.

Je me force à imaginer ce que signifie cet âge. Quatre ans. J’ai de la difficulté à en prendre la mesure.

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en décalage

Cette semaine, j’ai dû recompter dans ma tête.
2015 – un an. 2016 – deux ans. 2017 – trois ans. 2018 – quatre ans.
Ce nombre me semble immense. Je n’arrive pas à réconcilier le souvenir de Paul minuscule bébé avec cet anniversaire qui se rapproche, avec Paul qui aurait dû avoir quatre ans le 4 janvier prochain. Ça me semble incongru.

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effacé

J’ai un nouvel emploi (j’ai un autre texte qui mijote à ce sujet). Je travaille avec des gens que je ne connais pas encore, et qui ne me connaissent pas encore. Je travaille dans un bureau ouvert, avec mon ordinateur personnel. Pour faire de la place à des nouveaux logiciels, je fais du ménage dans mon ordinateur.

Mon fond d’écran depuis des mois est une photo partagée ici il y a longtemps. Mon père et moi / mon fils et moi. J’adore cette photo de Paul. Elle me rappelle le sentiment de fierté débordant vécu au moment où elle a été prise. Je me rappelle avoir été encore plus fière quand la grand-mère de Paul l’avait vue :  » Il est tellement fort pour un bébé de trois semaines! » Comme si nous n’étions pas, l’une et l’autre, complètement biaisées!marcassin Lire la suite

aimer

J’aurais aimé te soulever
te faire passer par dessus la barrière de métal
Ton père t’aurait déposé doucement par terre avant d’attraper Aimé pour le mettre sur ses épaules
J’aurais aimé te regarder courir a ses côtés
J’aurais aimé voir ta fierté à passer le fil d’arrivée
sous le soleil de midi-moins-dix

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